Entre autodafés de Corans et noyades collectives, le génocide de la minorité musulmane des Chams par les Khmers rouges a été évoqué pour le première fois lundi au procès des deux plus hauts responsables du régime encore vivants.
Ce procès est consacré au génocide des Vietnamiens et de cette minorité musulmane, aux mariages forcés et aux viols commis dans ce cadre, ainsi qu'aux crimes perpétrés dans plusieurs camps de travail et prisons, dont le tristement célèbre centre S-21, à Phnom Penh.
"S'ils (les gardes khmers rouges) nous entendaient parler cham, nous étions emmenés et tués", a expliqué lundi It Sen, le premier Cham à témoigner devant le tribunal de Phnom Penh parrainé par l'ONU.
L'homme de 63 ans a perdu quatre membres de sa famille, dont sa femme et un enfant, sous les Khmers rouges. Il a réussi à s'enfuir et à échapper à la rafle mais il a raconté avoir vu plusieurs dizaines de Chams être noyés dans une rivière.
Les Corans "étaient saisis dans les maisons et brûlés" et "ceux qui pratiquaient l'islam étaient arrêtés", se souvient-il.
Quelque 20.000 Vietnamiens et entre 100.000 et 500.000 Chams (sur un total de 700.000) ont été tués entre 1975 et 1979 par le régime de Pol Pot, qui a fait au total quelque deux millions de morts.
Au-delà des massacres, il a témoigné des humiliations du quotidien: "tous les Chams étaient forcés de manger de la viande de porc. Certains d'entre nous ne le supportaient pas et vomissaient".
L'idéologue du régime Nuon Chea, 89 ans, et le chef de l'Etat du "Kampuchéa démocratique" Khieu Samphan, 84 ans, comparaissent depuis 2011 pour leurs responsabilités dans les atrocités commises entre 1975 et 1979 au nom d'une utopie marxiste délirante qui prétendait défaire la société de la contrainte de l'argent et bannir la religion.
Le premier "mini-procès", qui a duré deux ans, s'est concentré sur les déplacements forcés de population.
Alors que les deux accusés ont déjà été condamnés à la prison à vie dans le premier procès, le deuxième, débuté en 2014, se penche sur les accusations de génocide des Vietnamiens et de cette minorité musulmane cham. Il ne concerne pas les massacres de masse de l'ensemble de la population cambodgienne qui ne sont pas considérés par les Nations unies comme un génocide.
Au total, quelque deux millions de personnes, soit un quart de la population, sont mortes d'épuisement, de maladie, sous la torture ou au gré des exécutions sous le régime de Pol Pot. Le procès pourrait durer jusqu'à 2016.