La cour d'appel de Paris a annulé mercredi les mises en examen de la société française Nexa Technologies et de quatre de ses cadres dans l'enquête sur la vente de matériel de cybersurveillance à l'Egypte, a appris l'AFP de sources proches du dossier et judiciaire.
Dans cette information judiciaire, Nexa Technologies et quatre personnes physiques étaient mises en examen depuis 2021 pour complicité de torture et de disparitions forcées, accusées d'avoir vendu ce matériel au Caire, ce qui aurait permis au régime du président Al-Sissi de traquer des opposants.
Saisie par les mis en cause, la chambre de l'instruction a donc placé la personne morale et les quatre personnes physiques poursuivies - Olivier Bohbot, président de Nexa, Renaud Roques, son directeur général, Stéphane Salies, ancien président, et Rudy Richard, un salarié - sous le statut plus favorable de témoin assisté, éloignant ainsi la menace d'un procès à leur encontre, selon la source judiciaire.
La chambre de l'instruction a en revanche rejeté les requêtes en nullité portant sur la procédure elle-même et renvoyé le dossier à la juge d'instruction chargée du dossier pour qu'elle poursuive ses investigations.
"La responsabilisation des entreprises est un levier de progrès essentiel pour les droits de l'Homme. Pour autant elle doit s'exercer avec discernement, dans le respect du droit. C'est le sens de cette décision", ont salué auprès de l'AFP Me François Zimeray et Me Jessica Finelle, avocats de Nexa.
"Le fait que la chambre de l'instruction n'ait pas confirmé les mises en examen décidées par les juges d'instruction est une grande déception pour les parties civiles, mais l'affaire est loin d'être terminée", ont de leur côté réagi Clémence Bectarte et Emmanuel Daoud, qui défendent la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH) et plusieurs parties civiles.
"Nous continuerons d'oeuvrer pour que la lumière soit faite sur les conséquences de la vente par Nexa du système Cerebro au régime égyptien", a-t-elle ajouté.
Une information judiciaire avait été ouverte en 2017 à la suite d'une plainte de la FIDH et de la LDH déposée avec le soutien du Cairo Institute for Human Rights Studies.
Celle-ci s'appuyait sur une enquête du magazine Télérama révélant la vente en 2014 d'"un système d'écoute à 10 millions d'euros pour lutter - officiellement - contre les Frères musulmans", l'opposition islamiste en Égypte.
Appelé "Cerebro", ce programme permet de traquer en temps réel les communications électroniques d'une cible, à partir d'une adresse mail ou d'un numéro de téléphone par exemple.
Les ONG accusaient ce logiciel d'avoir servi la vague répressive contre les opposants d'Abdel Fatah al-Sissi.
L'enquête menée par le "pôle crimes contre l'humanité" du tribunal judiciaire de Paris doit ainsi notamment déterminer si un lien entre l'utilisation de la surveillance et la répression peut être démontré.