Le chef de l’Etat ougandais Yoweri Museveni, qui présidait l’Initiative régionale sur le Burundi, au moment de la signature de l’Accord de paix et de réconciliation en 2000 à Arusha, en Tanzanie, a été désigné lundi facilitateur dans la nouvelle crise burundaise. Museveni se voit confier cette lourde tache après la récusation par les parties burundaises de deux médiateurs.
Le Burundi traverse une crise profonde depuis que le président Pierre Nkurunziza a été désigné fin avril dernier, candidat de son parti, pour un troisième mandat à la tête de son pays.
Opposition et société civile l’accusent de violer l’Accord d’Arusha et la Constitution de 2005 qui n’autorisent pas un troisième mandat. Mais Nkurunziza et son camp font une autre lecture de la Constitution: seul doit être pris en compte le mandat entamé en 2010 puisqu’en 2005, il n’avait pas été élu directement par la population mais par le Parlement.
Le camp présidentiel, qui campe sur sa position, en dépit de la contestation intérieure et des appels de la communauté internationale, a ainsi organisé le 29 juin des élections législatives qui ont connu un très faible taux de participation, comme l’a reconnu le président lui-même. Alors que les résultats de ces législatives sont toujours attendus, un troisième sommet extraordinaire de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) sur le Burundi s’est donc tenu lundi dans la capitale économique tanzanienne, Dar es Salaaam.
Alors que l’organisation sous- régionale regroupe cinq pays, seul l’Ougandais Yoweri Museveni a fait le déplacement. Sans doute échaudé par le coup d’état manqué de la mi-mai alors qu’il se trouvait à Dar es Salam, prêt à participer au premier sommet, le président burundais était représenté lundi par son nouveau ministre des Relations extérieures Alain-Aimé Nyamitwe. Le Rwanda et le Kenya n’avaient, eux aussi, délégué que des ministres.
Former un gouvernement d'unité nationale
Après un tête-à-tête à huis-clos entre Museveni et son homologue tanzanien Jakaya Kikwete, président en exercice de l’EAC, le « sommet » s’est ouvert en présence de représentants de l’Afrique du Sud, de l’Union africaine, de l’Union européenne et de l’ONU.
Au terme de longues discussions, le sommet a demandé au gouvernement burundais de reporter au 30 juillet la présidentielle prévue le 15, « pour donner au facilitateur le temps de mener le dialogue avec les parties aux plus hauts niveaux ». Autre résolution : quel que soit le vainqueur des élections, il devra former un gouvernement d’unité nationale incluant toutes les forces politiques qu’elles aient participé aux élections ou non. Le prochain gouvernement devra par ailleurs s’engager à respecter l’Accord de paix et de réconciliation d’Arusha ainsi que la Constitution.
En ce qui concerne la sécurité, le sommet a appelé le gouvernement burundais à désarmer d’urgence les Imbonerakure (jeunes du parti au pouvoir) et tous les autres mouvements de jeunesses armés affiliés à des partis politiques.
Interrogé par la presse à l’issue du sommet, le chef de la diplomatie burundaise, Alain-Aimé Nyamitwe a salué « des résolutions globalement bonnes ». S’agissant du report de la présidentielle, il a indiqué que la décision revenait « aux plus hautes autorités du pays ». A propos des Imbonerakure, il a réitéré qu’ils n’étaient pas armés. « Mais si cela peut rassurer les gens, qu’ils viennent vérifier », a-t-il dit.
« La tâche qui attend Museveni n’est pas du tout facile », a commenté un haut fonctionnaire de l’EAC alors que le président ougandais venait de prendre congé, sans attendre la lecture des conclusions du sommet.
Museveni, qui n'est pas réputé tolérant envers son opposition, est désigné facilitateur après que le parti au pouvoir à Bujumbura, le CDD-FDD, eut appelé, dimanche, à la démission du médiateur sénégalais Abdoulaye Bathily, l’accusant d’avoir « manqué au respect de la souveraineté nationale ».
Avant Bathily, c’est l’Algérien Saïd Djinnit qui avait dû se retirer en juin. Il avait été mis en cause cette fois-ci par l’opposition qui lui reprochait un certain parti pris.