Des milliers des personnes étaient présentes samedi à Srebrenica pour participer aux cérémonies marquant le 20e anniversaire du massacre de 8.000 hommes et garçons musulmans, une tuerie qualifiée de génocide par la justice internationale.
A cette occasion, les cercueils de 136 victimes identifiées du massacre de juillet 1995 seront mis en terre vers 11H00 GMT. Environ 50.000 personnes, dont des proches des victimes et des survivants, sont attendues.
A ce jour, 6.241 victimes retrouvées et identifiées ont été enterrées au mémorial de Srebrenica et 230 autres dans d'autres cimetières.
"J'ai perdu mon père ici. J'imagine ses souffrances", soupire Emina Malic, âgée de 20 ans, à peine née, lorsque le massacre a eu lieu. "De tels drames ne doivent plus se répéter", dit en s'effondrant en larmes cette jeune femme qui vit aujourd'hui à Chicago, aux États-Unis.
Begajeta Salihovic, 51 ans, va enterrer son père. "Quand j'ai appris que les restes de mon père avaient été retrouvés, j'ai eu l'impression qu'il venait à peine de mourir", murmure cette femme qui a également perdu un frère dans le massacre et dont deux autres frères, tués au début de la guerre, n'ont toujours pas été retrouvés.
A Belgrade, juste avant son départ pour Srebrenica, le Premier ministre serbe, Aleksandar Vucic, a publié une lettre ouverte dans laquelle il dénonce un "crime monstrueux".
"Il n'y a pas de mots que quiconque pourrait prononcer pour exprimer sa tristesse et ses regrets pour les victimes, ni sa colère à l'égard de ceux qui ont commis ce crime monstrueux", a écrit M. Vucic, ancien faucon ultranationaliste devenu pro-européen convaincu, qui n'a toutefois pas employé le mot "génocide".
A son arrivée à Srebrenica, M. Vucic a été brièvement conspué par un groupe de participants aux cérémonies, avant d'entrer dans un hangar où il a signé le livre de condoléances. Il s'est entretenu avec des mères de victimes, dont une lui a donné une longue accolade.
- Les éminences grises du massacre jugés pour génocide -
Il y a vingt ans, en juillet 1995, alors que la région était déclarée "zone protégée" par l'ONU, quelque 8.000 hommes et garçons musulmans ont été tués à Srebrenica par les forces serbes bosniennes, la pire tuerie en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
La guerre intercommunautaire de Bosnie (1992-95) a fait 100.000 morts et environ 2 millions de réfugiés, soit près de la moitié de la population à l'époque.
Nombre de responsables internationaux, parmi lesquels le président des États-Unis à l'époque Bill Clinton - dont le gouvernement a été l'architecte des accords de paix de Dayton qui ont mis fin au conflit bosnien -, seront présents à Srebrenica.
M. Clinton avait également fait le déplacement pour le 10e anniversaire du massacre.
Le président serbe à l'époque, le pro-européen Boris Tadic, était lui aussi présent en 2005, de même qu'en 2010 à l'occasion du 15e anniversaire de la tuerie.
La Serbie refuse obstinément d'accepter qu'un génocide a été perpétré. Le sujet anime toujours les débats sur la scène politique internationale et reste une question qui empoisonne les relations entre la Serbie et la Bosnie.
Mercredi, la Russie a opposé son veto à un projet de résolution de l'ONU sur Srebrenica, une décision dont Belgrade s'est félicité et que les familles des victimes ont déplorée, estimant qu'elle "rendait la réconciliation impossible".
Les leaders politique et militaire des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic et Ratko Mladic, accusés d'être les éminences grises du massacre de Srebrenica, sont aujourd'hui jugés pour génocide par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY).
En 2001, un commandant serbe de Bosnie Radislav Krstic, a été le premier condamné pour un génocide en Europe. Quatre autres condamnations pour génocide ont suivi.
Vingt ans après le massacre de Srebrenica, la Bosnie, un des pays les plus pauvres d'Europe, est figée dans ses divisions et reste à la traîne des candidats à l'adhésion à l'Union européenne.
Après une période d'ébauche de construction d'un État viable - au forceps et sous la pression de la communauté internationale -, sur les ruines d'un conflit meurtrier, la Bosnie n'a pas trouvé de formule pour rassembler son peuple.