Le Premier ministre serbe victime d'un jet de pierre à Srebrenica, insiste sur la réconciliation

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Le Premier ministre serbe Aleksandar Vucic qui a été conspué et touché à la tête par un jet de pierre pendant les commémorations samedi du massacre de Srebrenica a affirmé qu'il continuerait malgré tout à oeuvrer à la réconciliation entre Serbes et Musulmans de Bosnie.

Le chef de la diplomatie serbe Ivica Dacic a de son côté dénoncé "une attaque non seulement contre Vucic, mais contre toute la Serbie et sa politique de paix et de coopération régionale".

"C'est l'oeuvre de cerveaux malades qui ont abusé de cet événement digne. Vucic a pris dans ses bras aujourd'hui Munira Subasic, la présidente de l'association des Mères de Srebrenica (...), il a donc essayé de compatir à notre tristesse et à notre douleur", a, quant à lui, dit à la presse le maire de Srebrenica, Camil Durakovic, assurant vouloir appeler le Premier ministre serbe pour lui présenter ses excuses.

"Malheureusement, c'est sur nous qu'en retombera la responsabilité. Je suis terriblement déçue et je me sens blessée comme si l'incident m'était arrivé à moi-même. Non pas pour Vucic, mais pour notre dignité que nous avons sauvegardée 20 ans durant", a d'ailleurs réagi Mme Subasic, dont l'association regroupe les femmes qui ont perdu époux, fils, frères et pères dans la tuerie perpétrée en 1995 par les forces serbes bosniennes.

Aleksandar Vucic "est venu nous demander pardon, montrer qu'il a un coeur, et maintenant c'est nous qui allons être considérés comme des sauvages", a aussi déploré une femme dans la foule, refusant de révéler son identité.

"J'exprime des regrets pour ce qui s'est passé aujourd'hui et je regrette que certains n'aient pas reconnu notre intention sincère d'établir une amitié sincère entre Serbes et Musulmans. Ma main reste tendue et je poursuivrai ma politique de réconciliation", a pour sa part déclaré, de retour à Belgrade, le chef du gouvernement serbe, qui a expliqué qu'une pierre l'avait touché à la lèvre inférieure, affirmant que "ce n'était rien".

Des dizaines de milliers de personnes marquaient à Srebrenica le massacre commis il y a 20 ans et Aleksandar Vucic s'était rendu à ces cérémonies afin de rendre hommage aux victimes, sans pour autant utiliser le terme de génocide reconnu par la justice internationale.

Il venait de déposer une fleur devant un monument portant les noms des plus de 6.200 victimes identifiées et enterrées au mémorial de Srebrenica lorsque la foule a commencé à scander "Allah Akbar !" ("Dieu est grand !") et à jeter des pierres dans sa direction. Certains ont même tenté de s'en prendre physiquement à lui.

Des journalistes de l'AFP ont vu que des hommes chargés de sa protection avaient été touchés par des jets de pierres.

Aleksandar Vucic a quitté le mémorial en courant, protégé par ses gardes du corps notamment à l'aide d'un parapluie, tandis que, par haut-parleurs, les organisateurs lançaient des appels au calme.

Un imam a alors commencé à lire une prière et la plupart des participants se sont tournés pour prier en attendant la mise en terre de 136 victimes du massacre nouvellement identifiées.

- 'Guérir les blessures du passé' -

Samedi, en quittant Belgrade pour Srebrenica, M. Vucic, un ancien faucon ultranationaliste qui avait en particulier clamé au Parlement que "pour tout Serbe tué, nous tuerons 100 Musulmans" et qui était par la suite devenu proeuropéen, avait condamné, parlant du massacre de Srebrenica, un "crime monstrueux".

En juillet 1995, alors que la région était déclarée "zone protégée" par l'ONU, quelque 8.000 hommes et garçons musulmans avaient été tués dans cette ville bosnienne, la pire tuerie en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

"Quand j'ai appris que les restes de mon père avaient été retrouvés, j'ai eu l'impression qu'il venait à peine de mourir", a murmuré Begajeta Salihovic, une femme de 51 ans qui a également perdu un frère dans le massacre et dont les restes de deux autres frères, morts au début de la guerre (qui s'est déroulée de 1992 à 1995), n'ont toujours pas été découverts.

Nombre de responsables internationaux, parmi lesquels le président américain de l'époque Bill Clinton - dont le gouvernement a été l'architecte des accords de paix de Dayton qui ont mis fin au conflit bosnien -, étaient présents à Srebrenica.

Le président serbe à l'époque, le proeuropéen Boris Tadic, y avait quant à lui fait le déplacement en 2005 et 2010.

La Serbie refuse obstinément d'accepter le terme de génocide, et le sujet anime les débats y compris sur la scène politique internationale.

Ainsi, mercredi, la Russie, soutien traditionnel de la Serbie, a mis son veto à un projet de résolution de l'ONU sur Srebrenica.

Les chefs politique et militaire des Serbes bosniens, Radovan Karadzic et Ratko Mladic, accusés d'être les éminences grises du massacre de Srebrenica, sont aujourd'hui jugés pour génocide par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), cependant que la Bosnie, un des pays les plus pauvres d'Europe, reste figée dans ses divisions.