« En raison des témoignages contradictoires de l'accusé, sa participation effective à la disparition forcée de Yuri Zakharenko, Viktor Gonchar et Anatoly Krasovsky en 1999 ne peut être considérée comme légalement prouvée », a tranché le tribunal de district de Rorschach (canton de Saint-Gall, Suisse), ce jeudi 28 septembre. « Pour la même raison, il ne peut être considéré comme prouvé qu'il a trompé l'administration de la justice, c'est-à-dire qu'il se serait faussement accusé d'être impliqué dans une infraction pénale », ajoutent les juges.
Tous d’accord pour croire l’accusé
Le tribunal a cependant émis l’hypothèse que les déclarations de Harauski visaient à l'aider à obtenir l'asile en Suisse. Comme le souligne le tribunal, le procureur, les représentants légaux des parties civiles et la défense étaient tous d'accord pour croire les récits de l'accusé. Or, la définition légale suisse des « disparitions forcées » pouvant faire l'objet de poursuites en vertu de la compétence universelle exige qu'elles soient commises « pour le compte ou avec l'aval d'un État ou d'une organisation politique ». Bien que Harauski ait, dans ses aveux, impliqué d'autres personnes, notamment Dmitrij Pavličenko, commandant de l'unité spéciale SOBR du ministère de l'Intérieur, le raisonnement du tribunal ne lui permet pas de conclure que l'implication de l'État soit prouvée dans cette affaire.
Harauski était membre du SOBR, une unité d'élite du ministère de l'Intérieur biélorusse. Il est arrivé en Suisse en 2018 ou 2019, selon les médias, et a demandé l'asile au motif qu'il était menacé par le régime du président Alexandre Loukachenko pour avoir parlé de l'implication du SOBR dans ces disparitions. Il a obtenu un permis de séjour temporaire dans le canton de Saint-Gall, où son procès s'est tenu sur deux jours, les 19 et 20 septembre. Bien que l'accusé ait avoué et se soit excusé auprès des victimes, son avocat a plaidé la non-culpabilité au motif que les conditions légales d'inculpation n'étaient pas remplies. L'accusation avait demandé une peine d'emprisonnement de trois ans, dont deux ans avec sursis.
« Nombreuses contradictions »
« Au cours de ses différents interrogatoires - par exemple dans le cadre de la procédure d'asile, de la procédure d'enquête devant le ministère public et enfin devant le tribunal - l'accusé s'est empêtré dans de nombreuses contradictions », estime le tribunal. Il n'a pas été dit-il en mesure de répondre clairement à des questions simples sur la SOBR.
Il est « possible, voire probable » que l'accusé ait servi dans la SOBR, déclare le tribunal. « Toutefois, il n'est pas certain qu'il ait été réellement impliqué dans les actions portées devant le tribunal, et dans quelle mesure. Il est possible qu'il ait entendu des détails sur ces actions de la part d'autres camarades, que ce soit pendant ou après son service, par exemple lors de ses réunions régulières d'anciens combattants, ou qu'il les ait recueillis dans les médias. Il est possible que sa préoccupation première ait été d'étayer sa demande d'asile en Suisse en faisant les descriptions les plus dramatiques possibles ».
Les ONG « regrettent le verdict »
Le procès Harauski, présenté de manière convaincante par les avocats suisses des victimes biélorusses comme une « étape importante » ou une « affaire révolutionnaire », s'effondre comme un château de cartes. Aucun d'entre eux, pas plus que le procureur, ne semble avoir remis en question les propos de l'accusé.
TRIAL International, l'une des ONG basées à Genève qui a contribué à porter l'affaire, a déclaré que les victimes sont déçues par ce verdict et "restent dans l'incertitude quant aux circonstances exactes de la disparition de leurs proches", dans un communiqué de presse publié peu de temps après le verdict. TRIAL International n'est pas partie au procès, mais a déposé une plainte conjointe avec la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) et le centre biélorusse des droits de l'homme Viasna. L'affaire fait suite à des plaintes pénales déposées par deux des proches des victimes, des filles de disparus, et par les ONG qui les ont soutenues.
« TRIAL International, la FIDH et Viasna regrettent le verdict d'aujourd'hui et continueront à soutenir les victimes dans leur quête de justice, y compris pendant la procédure d'appel », annonce le communiqué de presse.