La normalisation des relations entre la Serbie et la Bosnie avance à vitesse d'escargot, se heurtant encore souvent à des tensions liées à un manque de confiance récurrent ainsi qu'au souvenir de la férocité des conflits dans l'ex-Yougoslavie, comme l'a montré l'agression samedi à Srebrenica du Premier ministre serbe.
Le président de la Serbie Tomislav Nikolic a à cet égard estimé dimanche qu'Aleksandar Vucic avait fait l'objet d'une attaque pendant les cérémonies du 20e anniversaire du massacre dans cette ville bosnienne justement parce qu'il y était allé "la main tendue en signe de réconciliation".
"Le jet de pierre qui a touché le Premier ministre Aleksandar Vucic à Srebrenica n'a fait que détériorer davantage les relations déjà fragiles entre la Serbie et la Bosnie", deux pays de la région instable des Balkans où les plaies sont toujours profondes vingt ans après les violences, affirmait à cet égard le journal serbe Vecernje Novosti.
Le grand quotidien bosnien Dnevni Avaz notait de son côté que l'incident avait causé "des dommages irréparables à ceux qui le méritaient le moins, aux Musulmans qui sont les victimes du génocide", reconnu par la justice internationale, de Srebrenica, quand 8.000 musulmans de cette région de Bosnie orientale ont été massacrés par les forces serbes bosniennes en juillet 1995.
Aleksandar Vucic venait de déposer une fleur, samedi, devant un monument portant les noms des plus de 6.200 victimes identifiées et enterrées au mémorial de Srebrenica lorsque la foule avait commencé à scander "Allah Akbar !" ("Dieu est grand !") et à jeter des pierres dans sa direction. Certains avaient même tenté de s'en prendre physiquement à lui. Il avait fini par quitter les lieux en courant, protégé par ses gardes du corps dont plusieurs ont eux aussi été touchés par des pierres.
'Une tentative de lynchage'
Le souvenir de M. Vucic, un ancien faucon de l'ultranationalisme serbe, devenu proeuropéen convaincu, est ancré dans la mémoire des musulmans bosniens à la suite de propos tenus en juillet 1995, quelques jours après le massacre de Srebrenica : "Si vous tuez un Serbe, nous allons (tuer) 100 Musulmans", avait-il en effet averti.
Samedi, au milieu de la foule à Srebrenica, une grande banderole avait été brandie, reproduisant ces mêmes paroles et le nom de M. Vucic.
Pour le président serbe, il s'agit d'un incident rappelant ceux ayant précédé la guerre en Bosnie (1992-95) qui avait fait 100.000 morts et environ deux millions de réfugiés, soit près de la moitié de la population à l'époque.
Cette "tentative de lynchage", selon M. Nikolic, est le reflet de "relations mauvaises, voire hostiles, en Bosnie et montre clairement ce que pensent des Serbes certains hommes politiques et dignitaires religieux bosniens".
En vertu des accords de paix de Dayton (Etats-Unis) ayant mis un terme à la guerre, la Bosnie, a été divisée en deux entités, l'une serbe et l'autre croato-musulmane, unies par des faibles institutions centrales. La région de Srebrenica, se trouve dans l'entité serbe de Bosnie, la Republika Srpska.
Le chef du gouvernement serbe a, quant à lui, manifestement tenté de relativiser les incidents en marge des cérémonies de Srebrenica affirmant qu'il continuerait malgré tout à oeuvrer à la réconciliation entre Serbes et Musulmans de Bosnie.
Mais, le processus de réconciliation semblait compromis avant même le déplacement de M. Vucic à Srebrenica.
La veto mis par la Russie à un projet de résolution de l'ONU qualifiant de "génocide" le massacre de juillet 1995 avait ravivé les tensions, Belgrade s'en étant félicité alors que les proches des victimes avaient estimé qu'il rendait la réconciliation "impossible".
La Serbie refuse obstinément d'accepter le terme de génocide, et le sujet continue d'animer les débats sur la scène politique internationale, empoisonnant les relations entre Belgrade et Sarajevo.