Le Parquet national antiterroriste (Pnat) a indiqué jeudi à l'AFP avoir saisi la cour d'appel de Paris pour qu'elle statue sur la validité du mandat d'arrêt émis contre le président syrien Bachar al-Assad, accusé de complicité de crimes contre l'humanité pour des attaques chimiques en Syrie en 2013.
"Sans remettre en cause l'existence d'éléments démontrant l'implication de Bachar al-Assad dans les attaques chimiques commises en août 2013", le Pnat, compétent en matière de crimes contre l'humanité, "relève que la délivrance de ce mandat introduit une exception au principe de l'immunité personnelle dont bénéficient les président, Premier ministre et ministre des Affaires étrangères en exercice de chaque Etat souverain".
Or, poursuit-il, "de manière unanime, il est estimé jusqu'à présent qu'une telle exception est réservée au seul bénéfice des juridictions internationales", telle la Cour pénale internationale.
Selon le Pnat, "l'importance de cette question juridique et de ses conséquences exige qu'elle soit tranchée par une juridiction supérieure" avant un éventuel procès.
Le Pnat a donc émis mardi une requête devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris.
Mi-novembre, des juges d'instruction du pôle crimes contre l'humanité du tribunal de Paris ont émis quatre mandats d'arrêt pour complicité de crimes contre l'humanité et complicité de crimes de guerre.
Ils visent Bachar al-Assad et son frère, Maher, chef de facto de la Quatrième division, une unité d'élite de l'armée syrienne, ainsi que deux généraux, Ghassan Abbas et Bassam al-Hassan.
Dans le cadre de cette procédure, le Pnat a requis la délivrance des mandats visant les hauts dignitaires syriens.
"Ces réquisitions constituent une réelle avancée dans la lutte contre les crimes imputés au régime syrien", insiste le Pnat, il s'agit "d'une évolution majeure en droit international".
"Elles affirment en effet la possibilité d'exception au principe de l'immunité matérielle qui s'oppose à ce que des actes relevant de la souveraineté d'un Etat étranger puissent faire l'objet de poursuites judiciaires", souligne le Pnat.
En revanche, Bachar al-Assad, en tant que président en exercice, bénéficie lui d'une immunité personnelle, censée être absolue.
Comme il s'agit du premier mandat d'arrêt émis par une juridiction française contre un chef d'Etat en exercice, il n'existe pas de jurisprudence.
La chambre de l'instruction, puis éventuellement la Cour de cassation, devront donc dire si le mandat est valide, ou bien l'annuler.
L'information judiciaire française porte sur les attaques chimiques dans la nuit du 4 au 5 août 2013 à Adra et Douma, ayant blessé 450 personnes, dont un Franco-Syrien et sa famille.
"Il est surprenant que dans un même dossier, le parquet reconnaisse la responsabilité présumée de Bachar al-Assad dans la planification et l'exécution des attaques chimiques d'août 2013, tout en cherchant à remettre en cause les poursuites à son encontre pour des raisons procédurales", ont réagi Mes Jeanne Sulzer et Clémence Witt, avocates de victimes syriennes et françaises et d'ONG parties civiles.
Mazen Darwish, directeur du Centre syrien pour les médias et la liberté d'expression (SCM), partie civile, a regretté une "triste et décevante nouvelle pour les victimes".
"Nous défendrons ce mandat avec tous les moyens juridiques à notre disposition. L'immunité n'est pas censée consacrer l'impunité", a-t-il ajouté.