Un Rwandais de 66 ans qui dirigeait une milice d'extrémistes hutu pendant le génocide de 1994 a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité par la cour d'assises de Bruxelles, dans la nuit de jeudi à vendredi.
Séraphin Twarhirwa, reconnu coupable de dizaines de meurtres et viols, perpétrés par lui-même ou les miliciens Interahamwe placés sous son autorité, a été arrêté à l'issue du verdict.
Il comparaissait libre, sous surveillance électronique, dans ce procès ouvert début octobre, le sixième organisé en Belgique pour le génocide des Tutsi remontant à près de trente ans.
Un deuxième accusé, Pierre Basabosé, lui aussi ancien proche de l'ex-couple présidentiel Habyarimana, a également été déclaré coupable de "crimes de guerre" et "crime de génocide" pour avoir financé la milice de Twahirwa.
Mais cet homme de 76 ans, atteint d'une démence sénile irréversible et qui n'a pu assister à l'intégralité du procès, échappe à l'incarcération.
La cour a prononcé à son encontre une mesure d'internement, comme l'avait réclamé le parquet fédéral.
Le verdict a été accueilli par des protestations sur les bancs de la défense.
Les deux accusés contestaient la fiabilité des témoignages les mettant en cause. Leurs avocats ont annoncé leur intention de se pourvoir en cassation.
"Ce procès pose le problème de la coopération judiciaire de la Belgique avec un régime autoritaire qui est à la manoeuvre", a déclaré à l'AFP Vincent Lurquin, avocat de Séraphin Twarhirwa, en allusion au Rwanda actuellement dirigé par Paul Kagame, un Tutsi.
Il a reproché aux enquêteurs belges de n'avoir apporté "aucun élément matériel" nouveau, en se contentant de faire réinterroger sur commission rogatoire des témoins déjà entendus dans une procédure ouverte à Kigali au début des années 2000.
Twarhirwa et Basabosé avaient été arrêtés en Belgique en septembre 2020 où ils s'étaient exilés depuis de nombreuses années.
Jointe par l'AFP l'avocate Michèle Hirsch, qui défendait plusieurs parties civiles, a salué vendredi l'arrêt de la cour.
"Les juges ont considéré que les viols de masse perpétrés par Twarhirwa (sur des femmes tutsi, ndlr) s'inscrivait dans le cadre du génocide, c'est une motivation historique", a commenté Me Hirsch.
La cour a retenu que Twarhirwa avait décimé 13 familles entières dans le secteur de Kigali où il dirigeait ses miliciens. Il était accusé de plusieurs dizaines de meurtres et d'une douzaine de viols sur des victimes qui l'ont reconnu.
Le 6 avril 1994, l'avion du président Habyarimana, un Hutu, avait été la cible d'un tir de missile au-dessus de l'aéroport de Kigali.
Cet attentat, qui avait aussi coûté la vie à son homologue burundais Cyprien Ntaryamira, est considéré comme l'événement déclencheur du génocide au Rwanda, qui a fait entre avril et juillet au moins 800.000 morts selon l'ONU. Les victimes se comptent essentiellement au sein de la minorité tutsi mais aussi parmi les Hutu modérés.