« Les eaux des rivières et des lacs ont servi d'armes terribles d'extermination des Tutsis. En 1994, le rôle des cours d'eau n'était plus d'étancher la soif ou de nourrir les cultures vivrières », explique à l'agence Hirondelle, Janvier Forongo, secrétaire général d'Ibuka. « Pires que la machette et les autres armes d'extermination, les flots ont tué tout, en détruisant les preuves du génocide », poursuit M.Forongo.
« Les Tutsis massacrés dans les églises, dans les rues, dans leurs maisons, sur les places publiques ont pu être inhumés ; au moment où la plupart de ceux qui ont été jetés dans les rivières restent toujours sans sépulture », déplore-t-il.
Une cérémonie s'est déroulée le week-en dernier au bord de l'Akanyaru, à la frontière avec le Burundi. Selon plusieurs survivants entendus à cette occasion, certains Tutsis y furent jetés vivants, de grosses pierres attachées à leur cou.
L'année dernière, une telle cérémonie s'était déroulée à Ngororero, sur l'une des berges de la rivière Nyabarongo. Le site de Ngororero est symbolique à plus d'un titre. C'est de là qu'en 1992, un linguiste rwandais, Léon Mugesera, vivant aujourd'hui au Canada, avait lancé un appel à « ramener les Tutsis chez eux en Abyssinie, en les faisant passer par le plus court chemin, la rivière Nyabarongo ».
L'Akanyaru et la Nyabarongo sont des affluents de la rivière Akagera qui a, pendant le génocide, charrié les corps de Tutsis vers le lac Victoria, en Ouganda.
Selon M. Forongo, à part près de 10.000 corps repêchés dans le lac Victoria et inhumés sur le sol ougandais, le nombre exact des victimes charriées par les flots reste inconnu.
Comme sur tous les lieux des massacres, des mémoriaux du génocide seront érigés au bord de ces cours d'eau. Une association de jeunes rescapés, Dukundane Family, pilote ce projet.
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