18.05.11 - CPI/COOPERATION - LA COLOMBIE SIGNE UN ACCORD POUR L'EXECUTION DES PEINES

La Haye, 18 mai 2011 (FH) - La Colombie a signé, le 17 mai, un accord d'exécution des peines avec la Cour pénale internationale (CPI). Après l'Autriche, la Belgique, le Danemark, la Finlande, le Royaume-Uni et la Serbie, la Colombie est le septième Etat qui pourra accueillir dans ses prisons les personnes condamnées par les juges de la Cour. A ce jour cependant, et neuf ans après sa mise en place, la CPI n'a prononcé aucune condamnation.

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L'accord a été signé le 17 mai par le président colombien, Juan Manuel Santos, et le président de la CPI, Sang-Huyn Song, au cours d'une cérémonie organisée à la Casa de Narino, le siège du gouvernement. Selon le quotidien colombien, El Espectador, le magistrat sud-coréen a aussi rencontré, au cours de sa visite, le ministre de l'Intérieur et de la Justice, Germain Vargas, le procureur général, Viviane Morales, ainsi que des représentants du Haut Commissariat aux droits de l'homme des Nations unies (HCDH). Sang-Huyn Song aurait notamment évoqué, avec ses interlocuteurs, la démobilisation des groupes armés illégaux, l'indemnisation des victimes et le cas de dirigeants paramilitaires extradés vers les Etats-Unis.

Le conflit armé en Colombie oppose, depuis plus de 20 ans, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), l'Armée de libération nationale (ELN), l'armée régulière, accusée d'exécutions extrajudiciaires et des bandes criminelles composées d'anciens membres de milices paramilitaires d'extrême-droite, dissoutes entre 2003 et 2006.

Adoptée en 2005 à Bogota, la loi Justice et Paix a permis la démobilisation de 31 000 combattants. Ils risquent une peine maximale de huit ans de prison s'ils acceptent de passer aux aveux. Mais selon un rapport de 2010, publié par la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), 92% d'entre eux auraient bénéficié de l'amnistie.

Parallèlement, le procureur de la CPI « analyse » [étape judiciaire précédent l'ouverture, ou non, d'une enquête], depuis 2006, la situation en Colombie, dont la responsabilité de chefs paramilitaires, de personnalités politiques, de chefs de la guérilla et de membres des forces armées. Il travaillerait aussi sur « les allégations faisant état de réseaux internationaux qui viennent en aide aux groupes armés, auteurs des crimes commis en Colombie ».

Plusieurs organisations de défense des droits de l'homme colombiennes, ainsi que la FIDH, ont demandé au procureur d'ouvrir une enquête, estimant que Bogota n'a pas la volonté de poursuivre tous les responsables. La Cour n'est compétente que si un Etat n'a pas la volonté politique de poursuivre, ou s'il en est dans l'incapacité matérielle. Dans un rapport de janvier 2011, remis au procureur de la Cour, le professeur Kai Ambos, de l'université de Gottingen, en Allemagne, et le doctorant Florian Huber, estiment que si la Colombie n'est pas dans l'incapacité de poursuivre, elle n'en a pas la volonté.

« Les progrès limités concernant les enquêtes en cours pour des problèmes procéduraux, institutionnelles et structurels, écrivent-ils, les difficultés à enquêter et poursuivre les membres des groupes armés illégaux et des politiciens, des militaires de haut rang et des hommes d'affaires influents pour leur liens avec les groupes armés illégaux depuis 2002 (...) et la pression permanente du gouvernement de l'ex président Alvaro Uribe à limiter les enquêtes indépendantes de la Cour suprême contre les représentants ou les alliés du gouvernement, indiquent clairement que la Colombie, en dépit de progrès dans les procédures contre les membres de groupes illégaux de niveau moyen ou intermédiaire », n'a pas la volonté de poursuivre les plus hauts responsables.

Les deux chercheurs concluent que « si aucun progrès substantiel (...) n'est fait à court ou moyen terme, il deviendra de plus en plus difficile de justifier la non-intervention de la CPI, malgré les apparentes préférences personnelles du procureur ». Les auteurs s'appuient sur un entretien publié par le quotidien colombien El Tempo, en décembre 2010, dans lequel Luis Moreno Ocampo avait salué le travail judiciaire effectué en Colombie.

SM/GF

© Agence Hirondelle