Attaques chimiques en Syrie : audience mercredi sur la validité du mandat d'arrêt contre Assad

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La cour d'appel de Paris doit examiner mercredi la validité d'un mandat d'arrêt émis par des juges français contre le président syrien Bachar al-Assad, accusé de complicité de crimes contre l'humanité pour des attaques chimiques en Syrie en 2013.

Une source judiciaire a confirmé que la chambre de l'instruction devait examiner mercredi après-midi, à huis clos, une requête demandant l'annulation du mandat déposée par le Parquet national antiterroriste (Pnat), compétent en matière de crimes contre l'humanité.

La question que devront trancher les magistrats est celle de l'immunité personnelle dont jouissent les chefs d'Etat en exercice : est-elle absolue, comme le soutient le Pnat, ou peut-elle souffrir d'exceptions, ce que maintiennent les parties civiles ?

Selon une source proche du dossier, le parquet général a requis l'annulation du mandat.

La décision de la chambre de l'instruction sera mise en délibéré.

Depuis 2021, des juges d'instruction du pôle crimes contre l'humanité du tribunal judiciaire de Paris enquêtent sur la chaîne de commandement ayant mené aux attaques chimiques qui ont eu lieu dans la nuit du 4 au 5 août 2013 à Adra et Douma, près de Damas, ayant blessé 450 personnes, et celles du 21 août qui avaient notamment fait plus de 1.000 morts dans la Ghouta orientale, selon les renseignements américains.

Dans ce cadre, les juges ont émis mi-novembre quatre mandats d'arrêt pour complicité de crimes contre l'humanité et complicité de crimes de guerre.

Ils visent Bachar al-Assad, au pouvoir depuis 2000 après avoir succédé à son père Hafez, son frère, Maher, chef de facto de la Quatrième division, une unité d'élite de l'armée syrienne, ainsi que deux généraux, Ghassan Abbas et Bassam al-Hassan.

Il s'agit du premier mandat d'arrêt émis par une juridiction française contre un chef d'Etat en exercice.

Le Pnat avait rendu des réquisitions favorables à la délivrance des mandats visant les trois hauts dignitaires syriens.

Il a néanmoins fait appel en décembre de celui visant le président syrien.

- "Envoyer un message ferme" -

Le parquet avait alors expliqué à l'AFP sa démarche, "sans remettre en cause l'existence d'éléments démontrant l'implication de Bachar al-Assad dans les attaques chimiques commises en août 2013".

Selon le ministère public, "de manière unanime, il est estimé jusqu'à présent" que les exceptions à l'immunité personnelle des chefs d'Etat en exercice sont "réservées au seul bénéfice des juridictions internationales", telle la Cour pénale internationale, et non des tribunaux de pays étrangers.

Lundi, le Pnat a redit que "l'émission de ce mandat soulève une question juridique fondamentale sur l'immunité rationae dont bénéficient les chefs d'Etats" et expliqué vouloir "voir cette question tranchée par une juridiction supérieure", d'où sa requête.

La contestation du mandat par le Pnat "entrave les efforts extraordinaires des victimes et des survivants qui cherchent à obtenir justice et réparation", estiment pour leur part dans un communiqué commun une soixantaine d'ONG et associations, dont plusieurs sont parties civiles au dossier, et Amnesty international.

Selon elles, "il est désormais temps de remettre en cause l'immunité personnelle du chef d'État en exercice s'agissant de crimes internationaux" et la France doit "envoyer au monde un message ferme : l'utilisation d'armes chimiques est interdite et tous les auteurs de ces crimes seront traduits en justice".

"La fonction de président ne doit pas servir de rempart", abonde Mazen Darwish, fondateur et directeur général du Centre syrien pour les médias et la liberté d'expression (SCM). "Cela est essentiel pour préserver la sécurité et la paix dans le monde".

Les investigations, menées par l'Office central de lutte contre les crimes contre l'humanité et les crimes de haine (OCLCH), ont été lancées en avril 2021 après une plainte avec constitution de partie civile déposée par le SCM et des victimes franco-syriennes, ce qui a permis à la justice française de se saisir. Open Society Justice Initiative (OSJI), Syrian Archive et Civil Rights Defenders (CRD) et d'autres victimes se sont constituées par la suite.