Le Pérou entame un deuil national de trois jours jeudi, au lendemain de la mort d'Alberto Fujimori, qui a dirigé le pays d'une main de fer entre 1990 et 2000 et passé les dernières années de sa vie en prison pour corruption et crimes contre l'humanité.
Des funérailles nationales seront réservées à l'ancien dirigeant décédé à Lima à l'âge de 86 ans, laissant un pays profondément divisé à son sujet.
M. Fujimori recevra les "honneurs funéraires qui correspondent à un président en exercice", selon un décret signé par la cheffe de l'Etat Dina Boularte.
Des dizaines de partisans ont attendu le moment où le cercueil de l'ancien dirigeant de droite, né au japon, a été sorti de sa résidence pour être placé dans un corbillard.
Isabel Perez, une infirmière de 56 ans, brandit un panneau sur lequel on peut lire: "C'est le meilleur président que le Pérou ait jamais eu".
"Je vous demande de toujours faire savoir qu'Alberto Fujimori a combattu le terrorisme et qu'il n'a jamais été pardonné", dit-elle à l'AFP.
"C'était un autoritaire", glisse Elizabeth Martinez, 61 ans, sans s'arrêter devant la maison de l'ancien président, dont la dépouille a été emmenée au ministère de la Culture, anciennement connu sous le nom de musée national.
Le gouvernement a décrété trois jours de deuil jusqu'à samedi, date des funérailles.
L'ex-dirigeant avait été libéré en décembre sur ordre de la Cour constitutionnelle "pour raisons humanitaires", malgré l'opposition de la justice interaméricaine, après avoir passé 16 ans dans une prison dans l'est de Lima.
Il y purgeait une peine de 25 ans pour crimes contre l'humanité, notamment pour deux massacres de civils commis par un escadron de l'armée dans le cadre de la lutte contre la guérilla maoïste du Sentier lumineux au début des années 1990.
L'ancien président surnommé "El Chino" (le Chinois) avait été hospitalisé à plusieurs reprises ces dernières années.
Une tumeur maligne lui avait été diagnostiquée en mai à la langue, sur laquelle il avait une lésion cancéreuse depuis plus de 27 ans.
En 2018, il avait rendu public un diagnostic de tumeur aux poumons.
Son état de santé s'était rapidement détérioré au cours des derniers jours, alors qu'il avait terminé en août sa radiothérapie au niveau de la bouche, ont indiqué à l'AFP des sources proches de la famille.
Un prêtre catholique était arrivé mercredi après-midi à son domicile dans le quartier de San Borja, à Lima, où il vivait avec sa fille aînée, Keiko Fujimori.
Adepte du néolibéralisme, Alberto Fujimori a été un "précurseur en Amérique latine d'un style de politique", a indiqué à l'AFP l'analyste politique Augusto Alvarez.
Selon lui, l'ancien président, qui a fait irruption sur la scène publique avec sa victoire électorale inattendue sur l'écrivain Mario Vargas Llosa, futur prix Nobel de littérature, a promu un modèle "autoritaire et populiste" qui a été reproduit dans de nombreux autres pays, tant par des mouvements de gauche ou de droite.
Il laisse dans le pays une image contrastée. Pour certains, il est l'homme qui a dopé l'essor économique du pays par ses politiques ultra-libérales et combattu avec succès les guérillas du Sentier lumineux (maoïste) et du Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (guévariste).
D'autres se souviennent surtout des scandales de corruption et de ses méthodes autoritaires qui lui ont valu sa condamnation.
Sa fille Keiko Fujimori a repris son flambeau politique mais a échoué à trois reprises au second tour de la présidentielle.
Le 14 juillet, la dirigeante du principal parti de droite du pays avait annoncé que son père se présenterait à l'élection présidentielle de 2026, ne sachant si elle pourrait y participer car, poursuivie pour blanchiment, le parquet a requis 30 ans de prison à son encontre.
Le Pérou a approuvé début août une loi déclarant prescrits les crimes contre l'humanité commis avant 2002 qui aurait pu bénéficier à Alberto Fujimori.
Approuvée malgré une résolution de la Cour interaméricaine des droits de l'homme mi-juin réclamant la suspension du processus législatif, elle bénéficiera à des centaines d'autres officiers accusés d'exactions pendant le conflit interne des années 1980 et 1990 qui a fait quelque 69.000 morts et 21.000 disparus.