Disparus au Mexique: dix ans après, les parents des 43 étudiants attendent la présidente au tournant

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"Vivants ils nous les ont pris, vivants nous les voulons": après dix ans d'un deuil impossible, les parents des 43 étudiants d'Ayotzinapa, cas emblématique des 100.000 disparus au Mexique, promettent de lutter encore pour la vérité sous le mandat de la nouvelle présidente Claudia Sheinbaum.

"Ce qu'un homme n'a pas pu le faire (NDLR: retrouver et identifier les corps ou ce qu'il en reste), qu'une femme le fasse", lance Maria de Jesus qui se mobilise avec d'autres parents dès ce mercredi à l'Ecole normale d'Ayotzinapa, une communauté rurale dans l'Etat du Guerrero (sud).

Dix ans jour pour jour après la disparition des 43 à Iguala dans la nuit du 26 au 27 septembre 2014, la colère culminera le 26 septembre, lors de la marche annuelle des parents et leurs soutiens à Mexico, avec un slogan qui signifie l'impossibilité pour les familles, de faire leur deuil.

Cinq jours plus tard, Claudia Sheinbaum sera investie présidente sous l'étiquette du parti de gauche nationaliste au pouvoir Morena, devenant la première femme à diriger le Mexique dans l'histoire du pays.

- "Nous savons que l'armée savait" -

"Nous allons continuer à lutter jusqu'à trouver la vérité et la justice", prévient Maria de Jesus Tlatempa, mère de l'un des 43 disparus, José Eduardo Bartolo Tlatempa, 19 ans en 2014.

Les parents veulent savoir où se trouvent leurs enfants - seuls les restes de trois des étudiants sur 43 ont été identifiés.

"Nous savons que l'armée savait. Ils savent où sont nos enfants", assure-t-elle, rappelant que les parents réclament aux militaires 800 dossiers au total. "L'armée ne veut pas nous livrer toute la documentation".

La responsabilité de l'armée, directe ou par négligence, a été reconnue sous la présidence du président sortant Andres Manuel Lopza Obrador (2018-2024), qui a institué une Commission pour la vérité en 2021.

Des militaires ont été emprisonnés, certains relâchés, suscitant la colère des parents.

"Nous avons avancé dans l'enquête pour trouver les jeunes d'Ayotzinapa" mais "c'est une affaire encore en suspens", a reconnu le président sortant.

A l'époque de l'ex-président Enrique Pena Nieto (2012-2018), les autorités avaient établi ce qu'elles avaient appelé la "vérité historique": les étudiants ont été enlevés et assassinés par un gang avec la complicité de la police locale d'Iguala.

Depuis 10 ans, Ayotzinapa est le cas le plus connu de la "tragédie humaine" des 100.000 disparus au Mexique, selon l'expression d'un comité de l'ONU en 2022.

"Nos enfants, c'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase", résume Marie de Jesus. "C'est à partir de ce moment que les gens ont commencé à s'approcher de nous pour nous dire qu'ils cherchaient également un disparu, une fille ou un fils, depuis des années", témoigne-t-elle.

La tragédie a frappé des familles d'origine modeste, ne disposant pas de moyens suffisants pour payer à leurs enfants une éducation dans le privé.

"Mon fils voulait étudier l'ingénierie. Mais comme j'avais un cancer à l'époque, je lui ai dit de choisir une école où il pourrait terminer ses études, parce que je n'allais pas pouvoir l'aider dans son éducation", dit Marie de Jesus.

- "Nids de guerrilleros" -

Ces écoles gratuites de formation des maîtres ont toujours été considérées par les autorités comme des "nids de guerrilleros", explique l'un des survivants d'Ayotzinapa, Manuel Vázquez Arellano alias Omar Garcia, aujourd'hui député du parti de gauche au pouvoir Morena.

Les parents d'origine modeste se sont formés à l'activisme au fil des années.

"Nous n'avions jamais parlé en public", raconte Estanislao Mendoza, près de l'ancien salon de coiffure de son fils. "Jamais je me suis imaginé qu'un beau jour je pourrais aller au palais du gouvernement".

Il se souvient de son fils Miguel Angel qui avait été admis à l'école normale à 33 ans: "Il voulait être maître d'école après avoir travaillé pendant plusieurs années comme coiffeur. Il aimait sa vie de célibataire et avoir des fiancées ici et là".

Il reconnaît des avancées sous le mandat qui s'achève: "Ils en ont fini avec la +vérité historique+. Même des soldats sont allés en prison. Maintenant ils les ont libérés".

"Mais ils ne nous disent pas où sont nos enfants", lance-t-il amer.

Il reconnaît avoir voté pour Morena, le parti du président sortant et de la future présidente: "Nous ne voulons pas qu'un autre parti arrive au pouvoir. Ca serait encore pire pour nous", dit-il.

Les parents se promettent de rester unis. "L'union fait la force", dit Maria de Jesus. "Ils ont voulu nous diviser, depuis le début".