Guinée: Pivi, ex-oligarque et fugitif redouté, retourne en prison

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Le colonel Claude Pivi, un des hommes forts de la dictature de Moussa Dadis Camara (2008-2010) et fugitif le plus recherché de Guinée, est à présent écroué dans une prison de province après son extradition du Liberia, ont indiqué un ministre et ses avocats vendredi.

L'incertitude planait sur son sort après l'annonce de son arrestation mardi au Liberia.

Un communiqué du ministère de la Justice laissait supposer qu'il avait été conduit après son extradition à la prison de Conakry, la capitale. Mais l'un de ses avocats avait déclaré qu'il était introuvable.

Le ministre de la Justice Yaya Kaïraba Kaba a indiqué vendredi à Radio France Internationale qu'il avait été incarcéré à Coyah, à une cinquantaine de kilomètres au nord-est de Conakry. Ses deux avocats, Mes Abdourahmane Dabo et David Béavogui, ont dit lors d'une conférence de presse avoir réussi à l'y joindre.

Le colonel Pivi, alias Coplan, ancien ministre en charge de la sécurité de Moussa Dadis Camara avec autorité sur la garde présidentielle, était en cavale depuis son évasion en novembre 2023 en même temps que l'ancien dictateur et deux co-détenus à la faveur d'une opération armée qui avait fait plusieurs morts et éveillé le spectre d'un nouveau putsch.

Les trois autres prisonniers ont été repris le jour même. Comme Claude Pivi, ils étaient alors jugés pour leur implication dans le massacre du 28 septembre 2009 et des jours suivants dans un stade de Conakry et alentour.

Claude Pivi, âgé de plus de 60 ans, a été condamné en juillet en son absence à la prison à vie pour crimes contre l'humanité. Moussa Dadis Camara a été condamné à 20 ans de prison.

L'actuelle junte, également portée au pouvoir par un putsch en 2021, offrait une récompense pour sa capture. La cavale de Claude Pivi était pour elle une préoccupation à cause de la capacité de nuisance qui lui était prêtée, de son passé militaire et des relations qu'il est soupçonné d'avoir conservées dans l'armée.

Les interrogations ont émergé quand ses avocats l'ont dit introuvable après son arrestation. Deux opposants ont mystérieusement disparu en juillet. De plus, un ancien chef d'état-major de l'armée et ex-numéro deux du régime militaire présent est mort dans des circonstances troubles en détention en juin.

- "Enlevé et séquestré" -

La télévision d'Etat, contrôlée par le régime militaire, a finalement diffusé jeudi soir quelques images montrant Claude Pivi affaibli mais vivant, descendant d'un véhicule blindé avec l'aide de membres d'une unité d'élite de la gendarmerie.

Dans de brefs propos, il est revenu sur les circonstances de son évasion en laissant entendre qu'il avait été entraîné à son corps défendant.

"Il a été enlevé et séquestré par des inconnus", a assuré devant la presse Me Dabo. Cette séquestration a duré plusieurs mois, ont dit ses avocats.

Les propos de Claude Pivi diffusés par la télévision d'Etat et difficilement compréhensibles laissent entendre qu'il aurait finalement été relâché, peut-être en Guinée forestière d'où il est originaire et où il serait resté quelques jours avant de passer au Liberia.

Les co-détenus échappés de prison en 2023 ont également affirmé par la voix de leurs avocats avoir été extraits de prison contre leur gré et beaucoup d'ombres subsistent sur cette évasion.

Claude Pivi a été incarcéré à Coyah du fait "de son état de santé qui est précaire, il est diabétique", a déclaré le ministre de la Justice. "La maison centrale de Coyah est une prison toute neuve", réceptionnée il y a quelques jours, elle "a par rapport à toutes les maisons centrales de la Guinée toutes les commodités conformes aux normes internationales", a-t-il dit.

Claude Pivi était un des principaux accusés du procès du massacre du 28 septembre 2009, une des pages les plus sombres de l'histoire contemporaine de la Guinée.

Ce jour-là, au moins 156 personnes avaient été tuées, par balle, au couteau, à la machette ou à la baïonnette, et des centaines d'autres blessées dans la répression d'un rassemblement de l'opposition dans un stade de Conakry et ses environs, selon le rapport d'une commission d'enquête internationale mandatée par l'ONU. Au moins 109 femmes ont été violées.