"C'est un signe d'espoir pour ces femmes d'obtenir justice": un procès pour génocide et crimes contre l'humanité au préjudice de onze Yézidies en Syrie entre 2014 et 2016 a été requis à l'encontre du jihadiste français présumé mort, Sabri Essid.
Sabri Essid, né en 1984, est le fils d'un compagnon de la mère de Mohamed Merah, qui avait tué en mars 2012 trois militaires, trois enfants et un enseignant juifs à Toulouse et Montauban.
Considéré comme une figure de la mouvance jihadiste toulousaine, Sabri Essid avait rejoint l'organisation État islamique (EI) en Syrie au printemps 2014 et avait été reconnu en mars 2015 sur une vidéo diffusée par l'EI où on le voit en compagnie de son beau-fils, âgé d'une douzaine d'années, qui exécute d'une balle dans le front un Palestinien présenté comme un espion.
Il est présumé mort depuis 2016. Aucune preuve officielle de son décès n'ayant été apportée, les investigations se sont poursuivies.
Un procès à son encontre a été requis le 22 août devant la cour d'assises spéciale pour "génocide, en exécution d'un plan concerté de l'organisation terroriste État Islamique tendant à la destruction totale ou partielle" au préjudice de "11 victimes, majeures et mineures" appartenant à la minorité yézidie, a indiqué mercredi le parquet national antiterroriste (Pnat).
Les faits ont été commis en Syrie entre août 2014 et courant 2016.
Sont également visés entre autres dans le réquisitoire des crimes contre l'humanité par la réduction en esclavage, l'emprisonnement ou toute autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international, torture, viols commis au préjudice de trois personnes et persécution, selon le Pnat, qui a décerné un nouveau mandat d'arrêt à l'encontre du jihadiste français.
Un premier mandat d'arrêt avait été délivré le 11 février 2020.
Il revient désormais au juge d'instruction de se prononcer sur la tenue ou non d'un procès.
- "Espaces de justice étroits" -
"C'est essentiel que ces qualifications puissent être retenues, ce sont celles qui sont à même de rendre justice à ces femmes et de raconter une autre histoire de Daesh (acronyme anglais de l'EI) avec les exactions et le génocide commis sur les Yézidis", a réagi auprès de l'AFP Me Clémence Bectarte, qui défend deux des onze victimes.
"Les espaces de justice (pour elles) sont très étroits", a-t-elle souligné, rappelant que la justice internationale ne s'était pas saisie des exactions infligées à la minorité yézidie.
"C'est un dossier qui a pu se construire grâce aux éléments de preuve et aux témoignages précis et circonstanciés de ces femmes", a ajouté Me Bectarte, saluant leur "courage".
Une enquête préliminaire pour viols avait été ouverte en juin 2019. Puis, pour la première fois, le pôle crimes contre l'humanité du Pnat, qui enquêtait depuis plusieurs années sur les crimes subis par cette minorité religieuse, avait ouvert en octobre 2019 une information judiciaire pour "génocides" et "crimes contre l'humanité" contre Sabri Essid.
Jusqu'à présent, les jihadistes français étaient uniquement poursuivis pour terrorisme. Des associations, dont la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), réclamaient un élargissement des poursuites.
Les investigations se sont appuyées entre autres sur "plusieurs interrogatoires ou auditions de femmes de retour de zone irako-syrienne" ainsi que "des témoignages obtenus par le biais de demandes d'entraides internationales" permettant ainsi "d'obtenir des éléments sur le parcours et les activités criminelles de Sabri Essid".
En août 2014, des jihadistes de l'EI avaient envahi le mont Sinjar, fief des Yézidis, minorité religieuse kurdophone dans le nord de l'Irak, tuant des milliers d'entre eux et enlevant des milliers de femmes et d'adolescentes, pour les réduire à l'état d'esclaves sexuelles.
Sabri Essid avait été arrêté en 2006 par l'armée syrienne alors qu'il se rendait en Irak pour faire le jihad. Il avait été condamné en 2009 à cinq ans de prison, aux côtés d'autre figures de la filière toulousaine, notamment les frères Clain, voix de la revendication des attentats du 13-Novembre et présumés morts.
Les juges d'instruction antiterroriste ont ordonné fin septembre un procès pour génocide et crimes contre l'humanité au préjudice d'une adolescente yézidie en 2015 en Syrie contre Abdelnasser Benyoucef, émir de l'EI, et son ex-compagne Sonia Mejri.