La Cour pénale internationale a rendu publics vendredi des mandats d'arrêt lancés contre six Libyens soupçonnés de faire partie d'un gang meurtrier qui a terrorisé entre 2015 et 2020 la ville de Tarhouna, à 80 km au sud-est de Tripoli.
Le procureur en chef de la CPI, Karim Khan, a indiqué que trois des six suspects étaient d'éminents membres de la milice Al-Kani (ou Kaniyat) qui a pris le pouvoir à Tarhouna et terrorisé ses 40.000 habitants, exécutant ses opposants et massacrant toutes leurs familles.
Le procureur dit dans un communiqué avoir rassemblé des preuves que les habitants de Tarhouna ont été victimes de crimes de guerre, notamment de meurtres, de tortures, de violences sexuelle et de viols.
"Lors de ma visite à Tarhouna en 2022, j'ai entendu des récits de personnes détenues dans des conditions effroyables et inhumaines, et j'ai vu des fermes et des décharges transformées en fosses communes", a-t-il relevé.
Parmi les suspects figure Abdurahem al-Kani, l'un des frères qui dirigeaient la milice. Il se pavanait en ville lors de démonstrations de force, tenant deux lions en laisse qui menaçaient la foule.
Les trois autres suspects sont associés à cette milice, selon le procureur.
Après la chute et l'assassinat du dictateur libyen Mouammar Kadhafi en 2011, un ensemble de groupes armés et de milices ont surgi pour combler le vide institutionnel.
A Tarhouna, la milice Al-Kani - formée d'une six frères et leurs hommes de main - a pris le pouvoir en 2015. La ville est devenue le triste symbole des atrocités des gangs qui ont mis une bonne partie de la Libye sous leur coupe.
D'abord pro-Tripoli dans ce pays en proie aux luttes de pouvoir entre régions rivales, elle a changé d'allégeance et s'est associée au camp de l'homme fort de l'Est, Khalifa Haftar, qui en fait une base arrière dans sa tentative avortée de s'emparer de la capitale.
Après la déroute des forces pro-Haftar et la libération en juin 2020 de cette cité à vocation agricole, connue pour ses oliviers centenaires plantés par le colonisateur italien, des dizaines de charniers y ont été mis au jour, suscitant émoi et indignation.
L'ONG Human Rights Watch estime qu'au moins 338 personnes ont été enlevées ou portées disparues pendant les cinq années de règne d'Al-Kani.
Les lions des frères Al-Kani se nourrissaient, selon la rumeur, de la chair de leurs victimes.
Les mandats d'arrêt ont été émis en avril 2023 mais ont été rendus publics vendredi.