Dérapage budgétaire: vers une commission d'enquête à l'Assemblée, Barnier demande "la vérité"

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L'Assemblée nationale a ouvert la voie mardi à la création d'une commission d'enquête sur le dérapage des finances publiques, réclamée par les oppositions de droite comme de gauche, et dont le Premier ministre Michel Barnier a souhaité qu'il en sorte "la vérité".

L'heure des comptes approche. Une commission d'enquête devrait bien voir le jour à l'Assemblée sur la dégradation inattendue du déficit public, prévu à 6,1% du PIB cette année, soit 50 milliards d'euros de plus que les 4,4% votés l'an dernier.

Une "dérive" d'abord pointée par l'allié du Rassemblement national Eric Ciotti, qui a fait valoir la semaine dernière le "droit de tirage" de son groupe UDR pour obtenir une commission d'enquête sur le sujet.

Dans la foulée, l'Insoumis Eric Coquerel a fait connaître son intention de solliciter pour la commission des Finances -qu'il préside- des pouvoirs d'enquête "afin d'étudier les causes de la variabilité des prévisions fiscales et budgétaires et de l'évolution des déficits publics ces dernières années".

Deux initiatives concurrentes que la Conférence des présidents de l'Assemblée a décidé mardi matin de "joindre", avec l'accord de l'UDR moyennant un poste de co-rapporteur.

Le tout avec la bénédiction de Michel Barnier, qui a estimé mardi dans l'hémicycle que cette commission d'enquête devrait "déterminer les chiffres, les faits, la vérité et la dire aux Français".

Interrogé par Eric Ciotti lors de la séance de questions au gouvernement, le Premier ministre en a profité pour livrer son analyse: "Il y a eu un emballement" à cause de l'épidémie de Covid, de la guerre en Ukraine et de l'inflation, a-t-il reconnu, puis "on a mal maîtrisé la sortie de crise".

- Patate chaude -

Manière de justifier l'effort affiché de 60 milliards -dont 20 de hausses d'impôts et 40 de réduction des dépenses- pour redresser les comptes, tout en renvoyant la patate chaude à ses prédécesseurs.

Premier visé, l'ex-ministre de l'Economie Bruno Le Maire réunissait justement quelques-uns de ses soutiens dans un restaurant à proximité de l'Assemblée. Un simple "déjeuner entre amis, prévu de longue date", a-t-il assuré à la sortie, où de nombreux journalistes l'attendaient.

Mais l'ancien patron de Bercy est déjà sur la défensive. Quelques jours après avoir assuré à France 2 que "la vérité apparaîtra plus tard", il a décidé de couper court à toute sollicitation: "j'ai fait un choix qui est de ne plus m'exprimer devant la presse" et "je réserve toutes mes interventions aux représentants du peuple français (...) s'ils le souhaitent", a-t-il seulement déclaré avant de s'éclipser.

Les autres convives se sont chargés de plaider sa cause, à l'instar de la députée macroniste Olivia Grégoire rappelant "la coupe de 10 milliards d'euros" annoncée par M. Le Maire en février, puis les 16,5 milliards supplémentaires gelés en juillet de concert avec l'ex-Premier ministre Gabriel Attal.

Celui-ci avait aussi souligné le 6 octobre sur TF1 avoir préparé un budget 2025 intégrant "quinze milliards d'économies". "En huit mois nous avons identifié ou réalisé 40 milliards d'euros d'économies", a-t-il plaidé.

Sur France Inter lundi, M. Attal avait accueilli favorablement la perspective d'une commission d'enquête, jugeant "toujours positif quand le Parlement fait son travail d'évaluation".

Parmi les députés du parti présidentiel Renaissance, on estime que "tout est transparent" et qu'"il ne faut pas s'attendre à grand chose" avec la commission d'enquête. Et on encourage le gouvernement à se saisir d'une certain nombre de mesures pour atténuer le déficit 2024, comme l'introduction dans le budget 2025 de mesures rétroactives.

Habituel aiguillon du gouvernement, le Sénat ne sera pas en reste, et va relancer mercredi sa mission d'information sur la dégradation des comptes publics, a-t-on appris de source parlementaire.

Cette instance, qui s'était illustrée en début d'année en effectuant un contrôle à Bercy, prévoit un nouveau cycle d'auditions dans les prochaines semaines au sein de la commission des Finances de la chambre haute.

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