« Le 24 février, à 5h du matin, Mama Jeanne est venue me réveiller », a-t-il raconté. La sage-femme devait procéder à un accouchement difficile et demande alors à Mathieu Ngudjolo, infirmier de profession, de l'assister. « A ce moment- là, nous entendions des crépitements, des bombes qui provenaient de Bogoro » a-t-il expliqué, « nous devions faire vite pour sauver la vie du nouveau-né ». Mais l'enfant meurt, trois heures plus tard. « J'ai continué à veiller sur cette dame jusqu'à la fin de la journée », a affirmé l'accusé témoin.
Père de six enfants, Mathieu Ngudjolo a raconté qu'il avait rejoint la Garde civile sous le régime Mobutu, en 1994, tout en poursuivant ses études d'infirmier. Début 2000, alors que l'anarchie gagne l'Est du Congo, tombé « entre les mains des Ougandais, des Rwandais et des Burundais », selon l'accusé, il crée un centre de santé dans son village de Kambutso.
« Des témoins du procureur ont allégué vous avoir vu à Bogoro, le 24 février 2003, vers 11h », rappelle l'un de ses avocats, maître Jean-Pierre Fofé. « Maître, un homme ne peut pas être partout, sauf Dieu ». Mathieu Ngudjolo a nié avoir envoyé des combattants sur place et affirmé qu'il ne disposait d'aucun matériel moderne de communication. Pendant la guerre, il utilisait les communications locales. « Il s'agit de tambours, de cloches. Nous utilisons aussi des cornes de chèvres, ou d'autres animaux, c'est tout », a-t-il expliqué, en lingala.
Niant la thèse de l'accusation, l'accusé a affirmé qu'il n'avait jamais été commandant des Forces nationalistes et intégrationnistes (FNI). Ce n'est qu'en mars 2003, quelques semaines après le massacre de Bogoro, qu'il rejoint un groupe armé, a-t-il affirmé. Et c'est à cette époque qu'il rencontre, pour la première fois, Germain Katanga, co-accusé dans ce procès. L'accusation affirme que les deux hommes ont planifié ensemble l'attaque de Bogoro.
En 2006, Mathieu Ngudjolo avait choisi d'intégrer l'armée. Une opportunité offerte aux belligérants qui acceptaient de déposer les armes. Il se donne alors le titre de Colonel, un titre fictif selon lui. « J'avais un cadeau en or et je ne pouvais pas laisser passer ce cadeau ». En novembre 2007, il débute une formation militaire à Kinshasa, dans le cadre du programme d'intégration des milices au sein de l'armée, après la fin des hostilités. Poursuivi pour crimes contre l'humanité par la CPI, il est finalement arrêté et transféré à La Haye en février 2008.
L'accusé doit poursuivre sa déposition cette semaine. Il devrait être le dernier témoin à déposer dans cette affaire, débutée en novembre 2009. La chambre doit encore rendre une décision sur une éventuelle visite sur les lieux des crimes, en Ituri.
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