Trente-troisième témoin du procureur, l'officier a vécu les premières semaines de l'arrivée des miliciens en Centrafrique, en octobre 2002, appelés en renfort par le président d'alors, Ange-Félix Patassé, en proie à une rébellion.
Tout commence pour lui dans la nuit du 21 au 22 octobre 2002. « J'ai reçu un coup de fil du ministre délégué à la Défense (...) qui m'a dit que nous étions attaqués depuis le Tchad » explique le témoin. « Nous avons arrêté leur progression [près de Bangui]. C'était un front. On se regardait en chiens de faïence. Ca a duré jusqu'à l'arrivée des miliciens du MLC ».
Interrogé par la substitut du procureur, Barbel Schmidt, Thierry Lengbe a raconté l'arrivée des hommes du MLC, avec lesquels il était chargé d'établir des liaisons. « Ils sont venus avec leurs armes et leurs munitions », dit-il, s'exprimant en français, « nous leur avons fourni les véhicules, et de l'argent pour la nourriture".
Mais très vite, les soldats de l'armée régulière sont mécontents. « Quand ils sont arrivés, il n'y avait pas d'uniformes pour tout le monde. Il y avait un stock au ministère de la Défense et ordre a été donné de leur donner. Ce n'était pas mon idée Madame ! » lance le témoin, s'adressant à la procureur. « Il y avait des éléments de notre armée qui n'avait pas de tenues, mais après nos amis ont eu des tenues, voilà ! ».
La situation dégénère entre l'armée régulière et les miliciens, explique le témoin qui relate plusieurs incidents. Un jour d'octobre, un milicien du MLC est tué par un « sniper », incontrôlé. Mais les miliciens s'en prennent aux soldats centrafricains et arrêtent plusieurs hommes, dont des officiers.
« Ils étaient tous déshabillés, ils n'avaient plus leurs armes, ils étaient en slip. Quand j'ai demandé ce qui s'était passé, les éléments du MLC ont dit que les Centrafricains leur avaient tiré dessus. Ils avaient donc été désarmés, déshabillés. Ce n'est pas normal, les gens ont été humiliés », déplore le témoin.
Thierry Lengbe enchaîne son récit, d'un ton saccadé et évoque les exactions des hommes du MLC : meurtres, pillages, viols. Suite à l'un des viols, « deux hommes ont été châtiés » par les chefs du MLC. C'était après une visite de Jean-Pierre Bemba, explique Thierry Lengbe. « On leur a donné beaucoup de coups de fouets devant nous. Peut-être que c'était lié à la venue de Jean-Pierre Bemba, mais après, ça a recommencé ». Le sénateur congolais ne passe que quelques heures à Bangui.
Pour le procureur, cet épisode est un moyen de montrer que M. Bemba était respecté, obéit et qu'il aurait donc pu stopper ou punir les exactions commises par ses miliciens, comme il l'a fait ce jour là.
Poursuivi pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre, Jean-Pierre Bemba est en procès depuis novembre 2010.
SM/GF
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