Des équipements militaires français fabriqués par les groupes KNDS-France et Lacroix équipant des véhicules blindés émiratis sont utilisés au Soudan, en "violation" d'un embargo de l'UE sur les armes, a dénoncé jeudi Amnesty International.
"Nos recherches montrent que des systèmes d'armement conçus et fabriqués en France sont utilisés sur le champ de bataille au Soudan", affirme la secrétaire générale de l'ONG Agnès Callamard, citée dans un communiqué.
Selon Amnesty, des véhicules de transport de troupes Nimr Ajban fabriqués aux Emirats arabes unis par le groupe national Edge sont utilisés par les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo "au Soudan, et vraisemblablement au Darfour".
Ces blindés sont équipés du système d'autoprotection Galix, conçus par KNDS-France et Lacroix, selon des images de véhicules détruits diffusés par Amnesty.
Doté de capteurs, le système permet de détecter une menace et est équipé de plusieurs tubes lanceurs de fumigènes ou de munitions (de désencerclement ou de "neutralisation du personnel" situé à proximité du véhicule), détaille Lacroix sur son site internet.
Plus de 5.000 véhicules militaires dans le monde, dont ceux de l'armée française, en sont équipés.
Sollicité par l'AFP, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), chargé du contrôle des exportations de matériel de guerre, n'a pas pris connaissance du rapport et n'a pas fait de commentaire, tout comme KNDS-France et Lacroix.
"Le système Galix est déployé par la FSR dans ce conflit, et toute utilisation au Darfour constituerait une infraction évidente à l'embargo sur les armes de l'ONU. Le gouvernement français doit veiller à ce que Lacroix Défense et KNDS-France cessent immédiatement de fournir ce système aux Émirats arabes unis", dénonce Mme Callamard.
Le Soudan fait l'objet d'un embargo de l'UE sur les ventes d'armes, tandis que l'ONU en impose un depuis 2004 pour la seule région du Darfour. L'ONG appelle à son extension à l'ensemble du territoire soudanais.
"Si la France ne peut pas garantir par des contrôles à l'exportation, y compris la certification de l'utilisateur final, que les armes ne seront pas réexportées vers le Soudan, elle ne devrait pas autoriser ces transferts", estime encore l'organisation.
La guerre au Soudan, qui a fait des dizaines de milliers de morts, oppose depuis avril 2023 l'armée, dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane, aux paramilitaires des FSR de son ex-adjoint, le général Mohamed Hamdane Daglo.
Les deux camps ont été accusés de crimes de guerre, notamment de bombardements aveugles de zones habitées, d'avoir visé délibérément des civils et bloqué l'aide humanitaire.