La Birmanie est devenue le pays où les mines terrestres et les munitions non explosées ont fait le plus de morts et blessés en 2023, dans un contexte de hausse mondiale du nombre de victimes, a indiqué mercredi l'Observatoire des mines.
Les mines et les restes explosifs de guerre (REG) ont tué ou blessé au moins 5.757 personnes l'an dernier (contre 4.710 victimes en 2022) dont 84% de civils, dans une cinquantaine de pays, relève le rapport annuel de l'organisation.
Le bilan, en hausse de 20% sur un an, comprend 1.983 morts et 3.663 blessés, auxquels s'ajoutent 111 autres victimes, dont les statistiques n'indiquent pas si elles ont survécu.
Les mines antipersonnel ont fait à elles seules 833 victimes, contre 628 l'an dernier.
La Birmanie est au premier rang pour les victimes de mines et munitions non explosées (1.003), devant la Syrie (933) qui dominait le classement ces trois dernières années, puis l'Afghanistan (651), l'Ukraine (580) et le Yémen (499), selon le rapport.
Des engins explosifs parsèment tout le territoire birman, marqué par des décennies d'affrontements entre l'armée et des groupes ethniques rebelles.
Les violences se sont accrues après le coup d'Etat militaire de février 2021 contre le gouvernement d'Aung San Suu Kyi, qui a provoqué la création de dizaines de nouveaux groupes hostiles à la junte de retour au pouvoir.
La Birmanie ne reconnaît pas la Convention d'Ottawa sur l'interdiction et l'élimination des mines antipersonnel, qui compte 164 Etats et territoires parties.
Le total des victimes pourrait cependant être bien plus élevé que celui annoncé, le recueil des données sur le terrain étant rendue impossible par les affrontements et d'autres restrictions, a relevé Yeshua Moser-Puangsuwan, qui a travaillé sur le rapport.
- "Toutes les parties" impliquées -
"Combien de plus? Le double? Le triple? Très probablement... Il n'y existe aucun système de surveillance médicale dans le pays qui puisse fournir des données officielles sous quelque forme que ce soit", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse à Bangkok.
"Nous savons à partir d'éléments non vérifiés que c'est massif", a-t-il poursuivi.
Le rapport signale une "hausse importante" de l'usage de mines antipersonnel par l'armée birmane, notamment près de tours de téléphonie mobile et de pipelines, des infrastructures régulièrement ciblées par ses adversaires.
Le groupe assure avoir trouvé des preuves que les forces de la junte continuaient d'utiliser des civils pour "guider" les soldats dans des zones minées, en dépit du droit humanitaire international.
L'armée birmane est régulièrement accusée de commettre des atrocités et des crimes de guerre par les chancelleries occidentales et les groupes de défense des droits humains.
Les adversaires de la junte ont saisi des mines "tous les mois entre janvier 2022 et septembre 2024, dans virtuellement toutes les parties du pays", selon le rapport qui s'appuie sur une étude de photographies.
L'Unicef a indiqué en avril que "toutes les parties prenantes" utilisaient des mines terrestres "sans discrimination".
Des groupes rebelles ont aussi indiqué à l'AFP qu'ils posaient des mines.
L'Observatoire des mines est l'organe de recherche de la Campagne internationale pour interdire les mines (ICBL), un réseau d'organisations non-gouvernementales.
Les mines antipersonnel sont des engins explosifs qui continuent à tuer et à mutiler des personnes longtemps après la fin des conflits. Enterrées ou dissimulées sur le sol, elles explosent quand une personne s'en approche ou entre en contact avec elles.
L'ICBL a jugé mercredi "désastreuse" la décision des Etats-Unis de fournir à l'Ukraine des "mines antipersonnel non-persistantes" - équipées d'un dispositif d'autodestruction ou d'autodésactivation -, pour renforcer les défenses de Kiev face à l'invasion russe.
"L'Ukraine doit affirmer clairement qu'elle ne peut pas accepter, ni qu'elle acceptera ces armes", a écrit l'organisation dans un communiqué transmis à l'AFP.