La Cour pénale internationale (CPI) a émis jeudi des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant et le chef de la branche armée du Hamas Mohammed Deif pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.
M. Netanyahu a aussitôt qualifié d'"antisémite" la décision de la juridiction.
"Israël rejette avec dégoût les actions absurdes et les accusations mensongères qui le visent de la part de la [CPI]" dont les juges "sont animés par une haine antisémite à l'égard d'Israël", ajoute un communiqué diffusé par son bureau.
Ce mandat d'arrêt limite théoriquement les déplacements du Premier ministre israélien, puisque n'importe lequel des 124 Etats membres de la cour serait obligé de l'arrêter sur leur territoire.
"Les Etats-Unis rejettent catégoriquement la décision de la Cour d'émettre des mandats d'arrêt contre de hauts responsables israéliens", a réagi jeudi un porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche.
"Nous restons profondément préoccupés par l'empressement du procureur à réclamer des mandats d'arrêt et par les erreurs troublantes dans le processus qui ont mené à cette décision", a-t-il ajouté dans une réaction transmise à l'AFP, en répétant que selon Washington, "la CPI n'était pas compétente juridiquement dans cette affaire".
De son côté, le Hamas ont estimé que les mandats d'arrêt contre les responsables israéliens constituent "une étape importante vers la justice".
La CPI a émis des mandats d'arrêt contre MM. Netanyahu et Gallant "pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu'au 20 mai 2024 au moins, jour où l'accusation a déposé les demandes de mandats d'arrêt", selon un communiqué.
Dans un autre communiqué, la CPI a annoncé avoir émis un mandat d'arrêt contre Mohammed Deif, chef de la branche armée du Hamas, "pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre présumés commis sur le territoire de l'État d'Israël et de l'État de Palestine depuis au moins le 7 octobre 2023".
Ce mandat d'arrêt "est extrêmement important. Cela signifie que la voix des victimes est entendue", a déclaré Yael Vias Gvirsman, qui représente les familles de 300 victimes israéliennes de l'attaque du Hamas du 7 octobre.
Selon Israël, Mohammed Deif a été tué par une frappe le 13 juillet dans le sud de Gaza, bien que le Hamas nie sa mort.
Un mandat d'arrêt a tout de même été émis à son encontre car le procureur de la CPI n'a pas été en mesure de déterminer si Deif est mort, a précisé la juridiction.
- "pénalement responsables" -
La CPI a déclaré avoir trouvé des "motifs raisonnables" de croire que MM. Netanyahu et Gallant étaient "pénalement responsables" du crime de guerre de famine comme méthode de guerre, ainsi que des crimes contre l'humanité de meurtre, de persécution et d'autres actes inhumains.
Les deux hommes, selon la CPI, "sont pénalement responsables en tant que supérieurs civils du crime de guerre consistant à diriger intentionnellement une attaque contre la population civile".
Ils "ont intentionnellement et sciemment privé la population civile de Gaza de choses indispensables à sa survie", notamment de nourriture, d'eau, de médicaments, de carburant et d'électricité, a ajouté la cour.
Cette situation a "créé des conditions de vie calculées pour entraîner la destruction d'une partie de la population civile de Gaza", selon la CPI, ajoutant qu'elle a entraîné la mort de civils, y compris d'enfants.
"Sur la base des éléments présentés par l'accusation couvrant la période allant jusqu'au 20 mai 2024, la chambre n'a pas pu déterminer que tous les éléments du crime contre l'humanité d'extermination étaient réunis", a ajouté la CPI.
Elle a toutefois déclaré qu'il existait des motifs raisonnables de croire que le crime contre l'humanité de meurtre avait été commis à l'encontre de ces victimes.
Les mandats d'arrêt émis par la CPI sont "sans précédent, justifiés et tardifs", a estimé Reed Brody, avocat spécialisé dans les crimes de guerre.
Cela crée "un dangereux précédent" qui "encourage le terrorisme", a au contraire réagi l'ex-ministre de la Défense israélien Yoav Gallant, visé par un mandat d'arrêt.
- "Classés secrets" -
Les mandats d'arrêt ont été classés "secrets" pour protéger les témoins et garantir la bonne conduite des enquêtes.
Mais la CPI "considère qu'il est dans l'intérêt des victimes et de leurs familles qu'elles soient informées de l'existence des mandats".
Le procureur de la CPI, Karim Khan, avait demandé en mai à la cour de délivrer des mandats d'arrêt contre MM. Netanyahu et Gallant (qui a été limogé début novembre par le Premier ministre israélien) pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité présumés à Gaza.
M. Khan avait également demandé des mandats d'arrêt contre de hauts dirigeants du Hamas, dont Mohammed Deif, soupçonnés de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité.
L'offensive militaire israélienne contre le Hamas dans la bande de Gaza a fait au moins 44.056 morts chez les Palestiniens, selon les chiffres du ministère de la Santé du gouvernement du Hamas, qui ne font pas de distinction entre civils et combattants.
Elle a suivi l'attaque sans précédent de commandos du Hamas en territoire israélien le 7 octobre, qui a entraîné la mort de 1.205 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur les chiffres officiels israéliens.