Ce mandat d'arrêt, qui fait suite à une requête de la branche kényane de la Commission internationale des juristes (ICJ Kenya), renforce l'obligation pour les autorités du Kenya de mettre la main sur Béchir s'il venait à fouler le sol de leur pays.
« Nous pensons que la Haute cour du Kenya a rendu une décision juste en lançant le mandat d'arrêt. Cela va aider à lutter contre l'impunité qui était garantie par les dirigeants politiques », a indiqué à l'agence Hirondelle Ken Wafula, président du Conseil national des ONGs du Kenya (NCNGO).
L'activiste a appelé « tous les pays africains » à suivre cet exemple « pour faire en sorte que Béchir n'échappe pas » à la justice. « Si Béchir vient au pays, nous mobiliserons la société civile et plus d'un million de personnes pour faire en sorte qu'il soit arrêté. Ils tireront sur nous, tueront certains mais nous l'arrêterons », a-t-il assuré.
Suite à l'émission de ce mandat d'arrêt, le gouvernement soudanais a rappelé son ambassadeur à Nairobi et demandé au représentant du Kenya de quitter le Soudan dans les 72 heures.
Mais Nairobi a, de son côté, préféré adopter un profil bas: « Le Kenya n'envisage aucune mesure de rétorsion », a indiqué le ministre des Affaires étrangères, Moses Wetangula, dans un communiqué rédigé depuis Bujumbura, au Burundi, où se tient mercredi un sommet de la Communauté d'Afrique de l'Est (EAC).
Cette rencontre des présidents ougandais, rwandais, burundais, tanzanien et kényan, doit, entre autres, se prononcer sur la demande soudanaise de devenir membre de ce bloc régional avec lequel il partage plus de frontières depuis l'indépendance du Soudan du Sud.
« Comme notre système judiciaire garantit le droit d'appel, nous lirons attentivement le jugement en vue de demander au procureur général de déposer rapidement un appel dans l'affaire », poursuit le ministre Wetangula.
Le gouvernement kényan « exprime sa profonde préoccupation » et promet de « faire tout ce qui est son pouvoir pour que la décision ne compromette, en aucune façon, les relations très cordiales et très fraternelles » entre les deux pays.
Selon la branche locale d'ICJ, le Kenya, ayant ratifié le traité fondateur de la CPI, est dans l'obligation d'interpeller M. Béchir lorsqu'il se trouve sur son territoire, ce qui n'avait pas été le cas lors d'une visite du président soudanais à Nairobi, en août 2010.
Dans sa requête, déposée en octobre 2010, ICJ Kenya avait dénoncé la venue du président soudanais fin août 2010 au Kenya pour la cérémonie de promulgation de la nouvelle constitution du pays. Les autorités kényanes ne l'avaient pas arrêté, provoquant de nombreuses critiques de la part de la communauté internationale.
Les juges de la CPI avaient délivré le 12 juillet 2010 un mandat d'arrêt contre le président du Soudan pour génocide au Darfour, après avoir lancé le 4 mars 2009 un premier mandat pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.
Le conflit au Darfour, qui a débuté en 2003, a fait 300.000 morts et 2,7 millions de déplacés, selon l'ONU. Khartoum parle de 10.000 morts.
L'Union africaine a souvent appelé ses Etats membres à ne pas arrêter le président soudanais, accusant la CPI de concentrer ses poursuites contre les seuls responsables africains. M. Béchir a pu ainsi, à la mi-octobre, assister au sommet annuel du Marché commun de l'Afrique orientale et australe (Comesa), au Malawi, sans être inquiété.
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