Un procès pour génocide et crimes contre l'humanité a été requis en France à l'encontre d'un commerçant hutu rwandais accusé d'avoir exécuté des membres de la minorité tutsi entre avril et juillet 1994, selon un document judiciaire consulté vendredi par l'AFP.
Le parquet national antiterroriste (Pnat) a confirmé à l'AFP avoir demandé le 29 octobre la mise en accusation devant la cour d'assises de Madjaliwa Safari, 59 ans, présenté dans son réquisitoire définitif dont l'AFP a eu connaissance comme un "commerçant prospère" de la ville de Nyanza.
Cet homme vivait dans le centre de la France depuis 2009 avec sa famille près de Tours, où il gérait un magasin. Titulaire du statut réfugié depuis 2017, il a été arrêté en juillet 2023 et est depuis mis en examen et incarcéré.
"M. Safari est parfaitement innocent de ces graves accusations", a déclaré auprès de l'AFP son avocat Me Philippe Meilhac, dénonçant une instruction "au pas de course" et "une absence totale de crédibilité des témoins de ce dossier".
Il revient désormais au juge d'instruction de décider de le renvoyer ou non en procès.
Le génocide de 1994 au Rwanda, à l'instigation du régime extrémiste hutu alors au pouvoir, a fait environ 800.000 morts entre avril et juillet 1994, selon l'ONU, essentiellement parmi la minorité tutsi mais aussi des Hutu modérés.
Madjaliwa Safari est accusé d'avoir participé à des exécutions de civils tutsi dans l'actuelle province rwandaise du Sud, en particulier dans les ex-préfectures de Gitarama et Butare.
En 2019, sur la base d'un mandat d'arrêt émis en juillet 2017 par le procureur général du Rwanda, les autorités rwandaises ont demandé à la justice française de l'extrader, ce qu'elle a refusé de faire.
Le Pnat a néanmoins confié des investigations à un juge d'instruction du pôle spécialisé dans les crimes contre l'humanité du tribunal judiciaire de Paris en novembre 2019.
Depuis, les enquêteurs de l'Office central de lutte contre les crimes contre l'humanité et les crimes de haine (OCLCH) se sont rendus cinq fois au Rwanda.
Selon des éléments de l'enquête, le Pnat soutient que Madjaliwa Safari a été l'adjoint du chef - aujourd'hui décédé - de la barrière de Bigega dite "Chez Premier", où ont été massacrés des Tutsi.
Madjaliwa Safari conteste y avoir joué un rôle particulier, affirmant avoir dû s'occuper de son père, blessé, et ne pas avoir pu circuler librement dans la région.
Le Pnat requiert l'abandon des poursuites pour d'autres séries de meurtres.