Plus de 13 ans après que les forces de sécurité de Bachar al-Assad ont ouvert le feu sur des manifestants réclamant des réformes démocratiques, l'emprise du président syrien sur le pouvoir pourrait enfin s'affaiblir, estiment des experts.
Agé de 59 ans, le fils héritier du défunt dictateur Hafez al-Assad a fait face à plusieurs revers pendant la longue guerre civile déclenchée par sa répression brutale de mars 2011, mais a jusqu'à présent toujours réussi à s'accrocher au pouvoir.
Aujourd'hui, avec le Hezbollah, son allié libanais ébranlé par une offensive israélienne, et son puissant soutien russe occupé par son invasion de l'Ukraine, Bachar al-Assad manque d'alliés sur le champ de bataille.
Des villes clés du nord, dont Alep et Hama, sont tombées aux mains des combattants de l'opposition en quelques jours seulement. Les rebelles ont déclaré samedi qu'ils encerclent désormais la capitale où Bachar al-Assad règne depuis la mort de son père en 2000.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a salué l'avancée rebelle. Israël renforce ses forces dans le Golan occupé et la le voisin méridional de la Syrie, la Jordanie, organise l'évacuation de ses citoyens.
Signe supplémentaire de l'isolement de Bachar al-Assad, les Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes et qui contrôlent une grande partie du nord-est de la Syrie, se sont dit prêtes à dialoguer avec leurs ennemis parmi les rebelles soutenus par la Turquie.
Mais les observateurs internationaux ont maintes fois prédit la chute de l'ancien ophtalmologiste isolé depuis les premiers mois du soulèvement, et ils ont été systématiquement contredits.
- Effondrement rapide -
Prélude à la guerre civile, les manifestations contre Bachar al-Assad de 2011 avaient commencé après l'arrestation par le régime d'un adolescent accusé d'être l'auteur de graffitis anti-gouvernementaux dans la ville de Deraa.
Treize ans plus tard, "les choses s'effondrent très rapidement" a déclaré à l'AFP Joshua Landis, du Center for Middle East Studies de l'Université d'Oklahoma (Etats-Unis), les rebelles sont maintenant aux portes de la grande ville de Homs et sa chute couperait la capitale des Assad de sa base de soutien dans sa communauté, la minorité alaouite des hauteurs côtières.
"La minorité alaouite a perdu foi en Assad", a déclaré Joshua Landis. "Il y a de sérieuses questions sur la capacité de l'armée syrienne à continuer le combat."
Mais une certaine prudence s'impose. Après tout, les dirigeants mondiaux n'ont-ils pas, à maintes reprises, sous-estimé Bachar el-Assad par le passé ?
Dès novembre 2011, le président turc Erdogan exhorte Assad à organiser des élections libres et l'avertit que "sa fonction n'est que temporaire".
En octobre 2012, lors d'un débat dans le cadre de sa campagne pour sa réélection, le président américain Barack Obama prévient également le dirigeant syrien que "ses jours sont comptés."
Le mois suivant, Nabil Elaraby, alors chef de la Ligue arabe, déclarait que "tout le monde sait que le régime en Syrie ne restera pas longtemps".
Le président syrien les a tous démentis, alors même que des juristes internationaux préparaient des mandats d'arrêt pour crimes de guerre et que des organisations de défense des droits humains dénonçaient l'utilisation par la Syrie d'armes chimiques et de bombardements aériens contre des zones civiles.
Alors que la guerre civile se transformait en une myriade de conflits - pouvoir syrien contre rebelles, Turquie contre combattants kurdes, milices soutenues par les États-Unis contre djihadistes du groupe État islamique (EI) - Bachar al-Assad a maintenu son emprise sur le pays.
Longtemps isolé diplomatiquement parmi les dirigeants arabes, le président syrien s'est appuyé sur le soutien de l'Iran et de la Russie.
- Victoires rebelles -
Mais l'avancée éclair des rebelles cette semaine laisse penser que, privée du soutien de ses puissants alliés étrangers, l'armée syrienne n'est plus que l'ombre d'elle-même.
La Russie a si peu confiance en son allié que son ambassade a reconnu une "situation militaire et politique difficile".
Dans son récent conflit avec Israël, le Hezbollah a perdu des milliers de combattants et d'armement ainsi que son chef historique Hassan Nasrallah. Il n'est plus en mesure d'apporter son aide.
"Le gouvernement Assad se trouve dans sa position la plus précaire depuis l'été 2012. Il existe un risque réel que son gouvernement perde le pouvoir à Damas, soit par des combats, soit par une retraite négociée", a déclaré à l'AFP Nick Herras, analyste à l'Institut Newsline.
" Au final, la capacité du gouvernement Assad à survivre dépendra de la manière avec laquelle l'Iran et la Russie le considèrent comme utile à leurs stratégies dans la région", estime-t-il. " Si l'un de ces alliés, ou les deux, décident qu'ils peuvent faire avancer leurs intérêts sans Assad, alors ses jours au pouvoir sont comptés. "
Selon lui, la Russie, qui dispose d'une base navale dans le port syrien de Tartous, serait toutefois très réticente à retirer son personnel et ses moyens militaires du pays, tandis que l'Iran serait tout aussi peu enclin à abandonner Assad.
Les grands gagnants sont les principaux opposants régionaux d'Assad : le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le président turc Recep Tayyip Erdogan.
Les rebelles soutenus par la Turquie mènent désormais l'offensive de l'opposition sur Homs, tandis que les frappes aériennes israéliennes contre le Hezbollah et les cibles iraniennes en Syrie ont neutralisé le plus puissant soutien d'Assad.
dc-burs/co/djb/bpi