La commission d'instruction de la Cour de révision examine jeudi la requête de Dany Leprince, condamné pour les meurtres de son frère, sa belle-soeur et deux de leurs filles en 1994 dans la Sarthe, et qui souhaite faire reconnaître son innocence.
L'audience, à huis clos, doit débuter à 14H00.
Après la lecture d'un rapport, les magistrats de la commission d'instruction écouteront la position de l'avocat général et la plaidoirie de la défense puis donneront la parole à Dany Leprince, 67 ans désormais, qui clame son innocence depuis trente ans.
Dans plusieurs semaines, la commission d'instruction peut ordonner un supplément d'information, rejeter la requête ou au contraire la transmettre à la Cour de révision.
Seule cette dernière, si elle est saisie, peut se prononcer sur l'annulation ou non de la condamnation pénale de Dany Leprince.
Le 4 septembre 1994, son frère Christian Leprince, sa femme et deux de leurs filles, Audrey, 7 ans, et Sandra, 10 ans, ont été retrouvés massacrés à l'arme blanche dans leur pavillon de Thorigné-sur-Dué (Sarthe). Solène, 2 ans, était la seule rescapée.
Dany Leprince, accusé par sa femme Martine Compain - dont il est depuis divorcé - et sa fille aînée, a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité avec 22 ans de sûreté en 1997 pour ce quadruple meurtre, par la cour d'assises de la Sarthe.
- "Doute sur sa culpabilité" -
Après le rejet de son pourvoi en cassation en 1999 - la possibilité de faire appel d'une condamnation par une cour d'assises n'est possible en France que depuis 2000 - il avait déposé une première requête en révision en 2006.
Mais la Cour de révision avait refusé en 2011 la tenue d'un nouveau procès.
Dix ans plus tard, au printemps 2021, il a déposé une seconde requête en révision et a rapidement obtenu que soient lancées de nouvelles investigations.
En amont de l'audience à la commission d'instruction, sa défense a adressé le 16 octobre un mémoire de 200 pages listant les éléments en faveur d'une révision de sa condamnation pour meurtres.
"Nous espérons convaincre les magistrats à partir de faits nouveaux et d'éléments inconnus de la cour d'assises, lorsque Dany Leprince a été condamné, de nature à faire naître un doute sur sa culpabilité", ont indiqué à l'AFP ses avocats, Mes Olivier Morice et Missiva Chermak-Felonneau.
"La seule survivante de ce massacre demande aussi un nouveau procès", ont-ils ajouté.
Dans une lettre adressée en avril à cette commission et consultée par l'AFP, Solène, 32 ans aujourd'hui, révèle avoir "de sérieux doutes quant à la culpabilité" de son oncle, "au regard des nombreuses incohérences" du dossier et souhaiter "ardemment qu'un nouveau procès puisse avoir lieu pour rechercher la vérité".
Parmi la vingtaine d'éléments considérés par la défense comme nouveaux ou inconnus figurent la personnalité de Martine Compain, "formée à l'utilisation de couteaux de boucher" - l'une des potentielles armes du crime - ses "multiples revirements", sa "jalousie maladive" à l'égard de sa belle-soeur et ses liens avec notamment un major de gendarmerie.
En 2014, une information judiciaire a été ouverte au Mans après une plainte pour meurtre et complicité de meurtre déposée par le père des fils Leprince.
La mise en examen de Martine Compain, requise par le parquet fin août, a été refusée par le juge d'instruction qui l'avait placée au printemps sous le statut plus favorable de témoin assisté. Une audience devant la cour d'appel du Mans doit se tenir prochainement.
"Dany Leprince se trompe lourdement en pensant qu'il va réussir à établir son innocence en accablant par tous les moyens et contre le dossier Martine Compain", avaient fustigé les avocats de cette dernière, William Bourdon et Colomba Grossi.
L'analyse des couteaux cités dans la procédure, des expertises ADN, ou bien encore les aveux rétractés de Dany Leprince, font également partie de l'argumentaire de la défense.
Les révisions de condamnations pénales restent rares en France: seules une dizaine de requêtes ont abouti depuis 1945 dans des affaires de meurtre ou de viol.