Human Rights Watch et Médecins sans frontières ont ajouté leur voix jeudi aux accusations les plus graves portées contre Israël pour sa conduite de la guerre à Gaza, dénonçant respectivement des "actes de génocide" et un "nettoyage ethnique", des "mensonges" pour la diplomatie israélienne.
"Les autorités israéliennes ont délibérément créé des conditions de vie visant à causer la destruction d'une partie de la population de Gaza, en privant intentionnellement les civils palestiniens de l'enclave d'un accès adéquat à l'eau, ce qui a probablement causé des milliers de morts", écrit Human Rights Watch (HRW) dans un communiqué accompagnant son enquête.
"Ce faisant, les autorités israéliennes sont responsables du crime contre l'humanité d'extermination et d'actes de génocide", ajoute l'organisation internationale.
Le ministère des Affaires étrangères israélien a rejeté un rapport "truffé de mensonges éhontés", et accusé HRW de chercher une fois "encore [à] promouvoir sa propagande anti-israélienne".
Médecins sans frontières (MSF), dans un rapport intitulé "Gaza: la vie dans un piège mortel", dénonce de son côté "des signes évidents de nettoyage ethnique alors que les Palestiniens sont déplacés de force, pris au piège et bombardés".
Le rapport documente notamment 41 attaques contre le personnel de MSF, incluant des frappes aériennes sur des établissements de santé et des tirs directs sur des convois humanitaires. Il souligne que le siège imposé par Israël a réduit drastiquement l'aide humanitaire destiné à Gaza.
Interrogées par l'AFP, les Affaires étrangères israéliennes ont également dénoncé les "mensonges" colportés selon elles par MSF, qualifiant le rapport de "totalement fallacieux et trompeur".
"Israël ne prend pas pour cible des équipes médicales ou des individus qui ne sont pas impliqués dans des activités terroristes", et "oeuvre activement à maintenir des infrastructures médicales fonctionnelles", affirme le porte-parole de la diplomatie.
- "Attention spéciale" -
Interrogé par l'AFP, un porte-parole militaire a répondu à propos des accusations de HRW que l'armée israélienne rejetait "fermement les allégations affirmant qu'elle a délibérément pris pour cible des infrastructures hydrauliques dans la bande de Gaza".
L'armée assure "porter une attention spéciale à la prise en compte des besoins humanitaires de la population civile de Gaza, en particulier en ce qui concerne l'hygiène, l'assainissement et l'approvisionnement en eau", et nie toute accusation d'entrave à l'aide humanitaire.
Le Cogat, structure du ministère de la Défense israélien supervisant les affaires civiles à Gaza, affirme que trois canalisations d'eau fonctionnent en provenance d'Israël.
Depuis le début de la guerre déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien Hamas, Israël a été accusé à plusieurs reprises de commettre un génocide à Gaza, par diverses ONG, des experts de l'ONU, et jusque devant la justice internationale, à l'initiative de l'Afrique du Sud.
Les autorités israéliennes ont toujours vigoureusement rejeté ces accusations. Le 5 décembre, Israël avait dénoncé un rapport d'Amnesty International en ce sens comme étant "fabriqué de toutes pièces".
Dans son rapport, HRW juge qu'Israël a intentionnellement limité l'accès à l'eau des habitants de Gaza, et affirme que cela dénote une volonté d'"extermination". L'ONG accuse Israël "d'actes de génocide" et non de génocide, une accusation qui nécessiterait de faire la preuve d'une intention génocidaire.
"La ligne de conduite présentée dans ce rapport, ainsi que des déclarations laissant penser que certains responsables israéliens visaient à anéantir les Palestiniens de Gaza, pourraient signaler une telle volonté", avance toutefois le rapport.
- "Pas d'électricité, pas d'eau" -
HRW rappelle que Yoav Gallant, alors ministre de la Défense d'Israël, avait ordonné un "siège complet" du territoire palestinien dès le 9 octobre 2023. "Il n'y aura pas d'électricité, pas de nourriture, pas d'eau, pas de carburant", avait-il déclaré.
M. Gallant et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu sont visés par des mandats d'arrêts de la Cour pénale internationale (CPI) émis fin novembre pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre à Gaza, procédure contre laquelle Israël a fait appel, dénonçant une décision "antisémite" et des "accusations absurdes".
HRW détaille comment l'approvisionnement en eau s'est amenuisé en raison du manque d'électricité, essentielle au fonctionnement des pompes des nombreux puits du réseau.
Son rapport de près de 200 pages cite plusieurs professionnels de santé actifs dans la bande de Gaza affirmant que le manque d'eau a conduit à des décès, en causant ou favorisant des maladies, notamment chez des nourrissons.
L'ONG utilise également des images satellite pour montrer qu'au moins un réservoir d'eau, ainsi que d'autres infrastructures liées à la distribution d'eau, ont été détruits ou lourdement endommagés, et accuse Israël de limiter l'entrée du matériel nécessaire aux réparations de ces infrastructures.