Gabon: une enquête ouverte à Paris sur les tortures dénoncées par les Bongo

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Une information judiciaire est ouverte à Paris sur des "tortures" qui auraient visé plusieurs membres de la famille Bongo, incarcérés au Gabon depuis le coup d'Etat d'août 2023, et que leurs avocats ont dit jeudi avoir constaté sur place.

Me François Zimeray a affirmé à l'AFP qu'un juge d'instruction parisien du pôle Crimes contre l'humanité a été "désigné (...) pour enquêter sur les faits subis par Sylvia et Noureddin Bongo, mais aussi par Bilal et Jalil", respectivement l'épouse et trois fils de l'ex-président Ali Bongo.

Il a affirmé que "personne n'est au-dessus des lois, et pas plus les Bongo que quiconque. Mais tout le monde a droit (...) de ne pas être traité comme un animal".

Me Zimeray vise "sept ou huit personnes qui ont perpétré ces tortures".

Une source judiciaire française a confirmé à l'AFP que le Parquet national antiterroriste, compétent en matière de crimes de ce type, a pris le 17 décembre des réquisitions tendant à l'ouverture d'une information judiciaire contre X pour tortures et actes de barbarie, enlèvement et séquestration en bande organisée.

Me François Zimeray a rappelé son passé d'ambassadeur de France pour les droits de l'Homme pour attester de sa reconnaissance de "marques de chocs électriques sur le torse (de Noureddin), dans son dos" ou "sur les bras".

Sylvia Bongo a de son côté décrit à ses avocats des "traitements dégradants comme par exemple des jets d'eau froide et surtout la torture psychologique que constitue le fait de voir son propre fils torturé sous ses yeux", selon Me Zimeray, approuvé par sa consoeur Me Catalina de la Sota.

Près d'un an et demi après l'incarcération de leurs clients, les deux avocats français ont pu fin décembre les visiter en prison, où "leurs conditions (de détention, NDLR) sont en elles-mêmes constitutives de torture", ont-ils estimé jeudi.

"On a vu des personnes traumatisées, terrorisées, maltraitées, extraites du deuxième sous-sol, en fait des oubliettes dans lesquelles elles ont été jetées, qui n'ont pas accès aux droits fondamentaux" des détenus en plus de tortures "de façon manifeste", a listé Me Zimeray.

Peu après cette visite, le procureur de la République Bruno Obiang Mve avait toutefois déclaré que les avocats des Bongo avaient constaté "que leurs clients n'ont jamais été torturés au sein de la prison de Libreville".

La famille Bongo - le père, Omar, pilier de "la Françafrique" de 1967 à 2009, puis le fils, Ali - a dirigé pendant 55 ans le Gabon, un petit État d'Afrique centrale riche en pétrole, sous le joug d'une élite accusée par ses opposants de "corruption massive" et de "mauvaise gouvernance".

- "Dirigeants de facto" -

Depuis le coup d'État du 30 août 2023, Ali Bongo vit dans sa résidence privée de Libreville, "libre de quitter le pays" selon le gouvernement.

Empêché de quitter cette maison, selon Me Zimeray, l'ex-chef de l'Etat, "en parfaite possession de ses moyens intellectuels", est d'après l'avocat "profondément affecté du sort réservé à son épouse et à son fils".

L'ancienne Première dame, 61 ans, et son fils de 32 ans sont, eux, détenus à la prison centrale de Libreville. Ils ont été "inculpés pour des faits d'une extrême gravité", selon le pouvoir, Noureddin Bongo notamment pour "corruption" et "détournements de fonds publics", et Sylvia Bongo pour "blanchiment de capitaux, recel, faux et usage de faux".

Les militaires qui ont renversé M. Bongo en accusant son entourage d'avoir truqué sa réélection, soupçonnaient l'ex-Première dame et Noureddin d'avoir "manipulé" l'ex-président souffrant des séquelles d'un grave accident vasculaire cérébral (AVC) en 2018.

Questionnées en février par l'AFP, des sources diplomatiques françaises avaient indiqué n'"avoir pas connaissance des faits allégués" de tortures ou "traitements dégradants" s'agissant de Sylvia et Noureddin Bongo, en ajoutant que des visites consulaires leur avaient été rendues.

Une réaction française "lénifiante, molle", s'est étonné Me Pierre-Olivier Sur, qui vient de rejoindre leur défense.

Le coup d'Etat au Gabon a eu lieu un mois après celui au Niger, qui a vu l'armée française chassée de ce pays, comme elle l'avait déjà été du Mali, du Burkina Faso, et remplacée par la Russie, qui avait également succédé à la France en Centrafrique.

Le Gabon d'après le putsch a contrairement à ces quatre pays maintenu des relations diplomatiques cordiales avec Paris.

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