Un ancien lieutenant-colonel rwandais, Cyprien Kayumba, qui était accusé d'avoir livré des armes ayant servi à exterminer des Tutsi lors du génocide entre avril et juillet 1994, a bénéficié d'un non-lieu en France, a appris l'AFP vendredi de source proche du dossier.
Une juge d'instruction du pôle spécialisé crimes contre l'humanité du tribunal judiciaire de Paris a rendu un non-lieu le 7 janvier, selon les conclusions de l'ordonnance dont a eu connaissance l'AFP.
La juge d'instruction n'a pas suivi les réquisitions du Parquet national antiterroriste (Pnat), qui demandait un procès pour complicité de génocide et de crimes contre l'humanité.
Sollicité par l'AFP, le Pnat a confirmé le non-lieu et indiqué avoir fait appel.
"Par cette décision de non-lieu historique, il est reconnu que notre client n'a jamais pris part ou adhéré de quelconque manière au projet génocidaire et à sa mise en oeuvre par l'appareil d'État rwandais en 1994", ont réagi ses avocats, Jean-Yves Dupeux, Sarah Chirsen et Pierre-Eugène Burghardt.
"Nous espérons que ce non-lieu permettra à notre client de retrouver rapidement le calme et la sérénité qu'il mérite", ont-ils ajouté, se félicitant que la justice ait "enfin reconnu" son "innocence", "après 22 ans de procédure judiciaire".
Le génocide contre la minorité tutsi au Rwanda, orchestré par le régime extrémiste hutu au pouvoir, a fait plus de 800.000 morts entre avril et juillet 1994.
Cyprien Kayumba, d'origine hutu et né en 1955, avait fait toute sa carrière dans l'armée rwandaise et était, au moment du génocide, directeur des services financiers au sein du ministère de la Défense.
Au soir de l'attentat contre l'avion du président hutu Juvénal Habyarimana - considéré comme l'élément déclencheur du génocide le 6 avril 1994 - il a participé à la réunion de crise de l'état-major, où était présent notamment le colonel Théoneste Bagosora, considéré comme le "cerveau du génocide" des Tutsi.
Le 19 avril, il est envoyé à l'étranger, notamment en France, pour tenter de faire exécuter des contrats d'armement déjà signés mais suspendus.
Selon la juge, certes il continue sa mission de livraison d'armes, même après l'embargo imposé en mai 1994, mais son rôle était "d'approvisionner le front" opposant Forces armées rwandaises (FAR) et Front patriotique rwandais (FPR).
Selon l'ordonnance, rien n'atteste qu'il ait "cherché à faire livrer" des armes aux "auteurs actifs du génocide", ni qu'il ait "adhéré au projet génocidaire mis en oeuvre par une partie de l'armée".
Installé en France depuis 1998, Cyprien Kayumba avait été mis en examen en 2018 et placé sous contrôle judiciaire.
L'information judiciaire avait été ouverte en 2002, après une plainte avec constitution de partie civile de plusieurs associations.