Kigali a de quoi triompher. Car les deux renvois constituent, selon les propres termes de la ministre des Affaires étrangères Louise Mushikiwabo, « la consécration des progrès réalisés dans le domaine de la justice depuis la fin du génocide » des Tutsi de 1994 ». « C'est un signal important pour tous ceux qui sont recherchés par la justice rwandaise pour leur rôle dans le génocide », se réjouit-elle.
Ces transferts sont intervenus après que le TPIR et le système judiciaire canadien ont estimé que les assurances de procès équitables étaient désormais suffisantes au Rwanda.
En 1992, lors des premiers pas du multipartisme au Rwanda, Mugesera était vice-président pour la préfecture de Gisenyi (nord) du MRND, le parti de l'ex-président Juvénal Habyarimana qui venait de la même région. Inquiété au lendemain du discours prononcé à Kabaya, le 22 novembre 1992 devant des inconditionnels du chef de l'Etat, Mugesera était réfugié au Canada depuis 1993.
A partir de 1995, Mugesera est recherché pour incitation au génocide. Au départ, l'universitaire rwandais disposait d'un argument -massue : le risque d'être condamné à la peine capitale qui était encore inscrite dans l'arsenal pénal rwandais. Mais en 2007, le Rwanda abolit la peine capitale pour tous les crimes y compris pour le génocide. Le suspect brandit désormais le risque d'être soumis à des actes de torture, argument qui, finalement, n'a pas convaincu les autorités fédérales canadiennes.
Le pasteur pentecôtiste, dont le destin va croiser celui de Mugesera, a un tout autre parcours. Cet homme d'église qui ne parle ni l'anglais ni le français était, en 1994, chargé de la paroisse de Kayenzi dans la région du Bugesera (est du Rwanda), une de celles qui comptaient les plus fortes concentrations de Tutsis. Selon l'acte d'accusation, il aurait fait massacrer certains de ses fidèles pendant le génocide. Après des années de cavale dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), le prêtre est arrêté en juin 2010 en Ouganda.
Le 4 novembre 2010, dans la cadre de la « stratégie de fin de mandat » qui préconise le transfert de dossiers de moyenne ou moindre envergure vers des juridictions nationales, le procureur dépose une requête en vue de renvoyer le prêtre vers la justice rwandaise. Le 28 juin 2011, la demande est accueillie favorablement par la chambre de renvoi. Première du genre au TPIR, cette décision sort de l'ombre le prêtre de campagne.
Le transfert sera confirmé le 16 décembre.
A la différence de Mugesera, Uwinkindi fait l'objet d'un renvoi balisé. La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples a accepté de faire le monitoring de la procédure et des conditions de détention du pasteur pour le compte et aux frais du TPIR. Selon le règlement de procédure et de preuve du tribunal, le transfert peut en effet être annulé si le TPIR estime qu'il y a violation des droits de la défense.
ER/GF
© Agence Hirondelle