L'attaque sanglante de la guérilla de l'ELN contre des dissidents des FARC et la population civile a fait plus de 80 morts depuis jeudi dans la région colombienne du Catatumbo (nord-est), frontalière du Venezuela, selon un nouveau bilan dimanche des autorités.
"Nous estimons que plus de 80 personnes ont perdu la vie", a indiqué, dans un communiqué, William Villamizar, le gouverneur du département de Norte de Santander, où se situe la région du Catatumbo. Le précédent bilan des autorités, communiqué samedi par le Bureau du médiateur colombien, faisait état d'environ 60 morts.
"Plus de 20 (personnes) ont été blessées et environ 5.000 ont été déplacées" par les affrontements, a ajouté le gouverneur.
Depuis jeudi, les guérilleros des deux organisations s'affrontent pour le contrôle de cette zone stratégique pour la production de cocaïne.
Face à ce nouveau chapitre de violences, qui rappelle les pires heures du conflit armé en Colombie, l'armée a intensifié son déploiement dans les montagnes du Catatumbo où "la situation est très critique", a déclaré samedi le commandant de l'armée, le général Luis Emilio Cardozo, en haranguant les soldats.
Selon un communiqué de l'armée, plus de 5.000 effectifs ont été déployés sur place "pour renforcer la sécurité". Le ministre de la Défense, Iván Velásquez, s'est rendu dans la ville de Cúcuta, à la frontière du Venezuela, pour diriger l'offensive contre les guérillas.
- "Tués de façon misérable" -
Les guérilleros de l'ELN "ont sorti les gens de chez eux et les ont tués de façon misérable, en violant les droits humains. C'est à nous, en tant qu'armée nationale, de stabiliser le territoire", a déclaré le général Cardozo aux officiers en uniforme.
Cet assaut de l'ELN (Armée de libération nationale) a mis fin à la trêve avec les dissidents de la défunte guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et a entraîné la suspension vendredi des négociations de paix par le président de gauche Gustavo Petro, qui a accusé l'ELN de "crimes de guerre".
Arrivé au pouvoir avec l'engagement de rechercher une solution négociée à six décennies de conflit armé, Gustavo Petro avait entamé des pourparlers avec l'ELN à la fin de l'année 2022. Mais le processus de paix est en crise constante en raison des attaques des rebelles, des différends avec d'autres groupes armés et des divergences entre les différentes parties qui ont empêché la conclusion d'accords concrets.
En 2016, un accord de paix historique avait entraîné le désarmement des FARC, mais des groupes dissidents se sont réorganisés avec de nouvelles recrues.
- "Très peur pour les enfants" -
Ce nouveau chapitre de violences à Catatumbo a entraîné un déplacement massif de populations civiles vers Tibú. L'AFP, qui s'est rendue sur place, a pu constater le climat de désespoir qui règne dans les quatre abris temporaires ouverts pour accueillir les sinistrés.
"Nous avons très peur pour les enfants et que nous soyons laissés au milieu du conflit", a déclaré à l'AFP Carmelina Perez, 62 ans, qui a fui avec ses petits-enfants.
Avec plus de 50.000 hectares de cultures de coca, carburant du long conflit armé, Catatumbo est un symbole de la guerre interne qui a fait plus de 9,5 millions de victimes en six décennies.
Des villageois ont même été évacués en hélicoptère et "des déplacés continuent d'arriver dans les différents points d'accueil" des sinistrés, a indiqué à l'AFP une source militaire.
La Colombie doit participer à une session du Conseil de sécurité des Nations unies la semaine prochaine, au cours de laquelle elle présentera un rapport sur les "crimes de guerre" de l'ELN, selon le ministre des Affaires étrangères Luis Gilberto Murillo.