Dany Leprince, qui souhaite obtenir l'annulation de sa condamnation pour les meurtres de son frère, sa belle-soeur et deux de ses nièces en 1994, a obtenu une première victoire jeudi: sa requête est transmise à la Cour de révision.
La commission d'instruction s'est appuyée sur deux séries de faits nouveaux ou inconnus pour motiver la recevabilité de cette requête en révision, déposée au printemps 2021, a indiqué le président lors d'une audience publique.
Le dossier sera donc transmis au président de la Cour de révision. Après l'avoir examiné, dans un délai d'un an à un an et demi, s'il estime la demande fondée, il prononcera l'annulation de la condamnation et ordonnera un nouveau procès. Ou bien rejettera la requête.
Dany Leprince, ému, les yeux humides, a enlacé ses proches à l'énoncé de la décision. "Le combat n'est pas terminé", a-t-il dit devant la presse. "J'y ai toujours cru", mais "il faut rester prudent", a ajouté l'homme, âgé désormais de 67 ans, espérant "qu'on retrouve l'assassin de (sa) famille".
Le 4 septembre 1994, son frère Christian Leprince, sa femme et deux de leurs filles, Audrey, 7 ans, et Sandra, 10 ans, ont été retrouvés massacrés à l'arme blanche dans leur pavillon de Thorigné-sur-Dué (Sarthe). Solène, 2 ans, était la seule rescapée.
Accusé par sa femme Martine Compain - dont il est depuis divorcé - et sa fille aînée Célia, il avait partiellement avoué, avant de se rétracter. Depuis, il clame son innocence.
Celui qui fut surnommé "le boucher de la Sarthe" a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité avec 22 ans de sûreté en 1997 par la cour d'assises.
- "Accusation difficilement crédible" -
La commission d'instruction s'est appuyée sur les déclarations de Célia, qui, au regard d'une remise en situation réalisée en avril 2023, se sont révélées être incompatibles avec la topographie des lieux.
Célia "a toujours affirmé avoir vu son père frapper Christian Leprince", est-il écrit dans l'arrêt, consulté par l'AFP. Mais pour les enquêteurs, "il n'apparaît pas possible" pour Célia "d'avoir vu les faits décrits (...), rendant l'accusation formulée contre son père difficilement crédible".
"Ce témoignage s'effondre totalement", a conclu l'avocat de Dany Leprince, Olivier Morice, soulignant que Célia était "un témoin à charge essentiel de l'accusation".
Les juges ont également pointé "la crédibilité totale" accordée à l'époque aux propos de Solène sur la culpabilité de son oncle, compte tenu de son très jeune âge, et souligné "les relations de confiance" entre un gendarme et la nourrice chez laquelle elle a vécu après le drame.
"L'interprétation hasardeuse qui avait été faite du comportement de la toute petite Solène avait été en réalité démentie par le travail des experts psychiatres qui la suivaient alors", a indiqué à l'AFP son avocate, Me Meriem Khelladi-Reinaerts, confiant le "soulagement" et l'"émotion" de cette dernière à l'annonce de la décision.
Ces expertises, qui n'avaient pas été soumises à la cour d'assises en 1997, "ont enfin été considérées comme des faits nouveaux de nature à faire naître un doute sur la culpabilité de Dany Leprince", a-t-elle ajouté.
- "Nombreuses incohérences" -
Solène, 32 ans aujourd'hui, a écrit en avril 2024 à la commission d'instruction avoir "de sérieux doutes quant à la culpabilité" de son oncle, "au regard des nombreuses incohérences" du dossier, et souhaiter "ardemment qu'un nouveau procès puisse avoir lieu pour rechercher la vérité".
Ces deux séries de faits étant suffisantes pour déclarer la requête de Dany Leprince recevable, les autres éléments présentés par la défense n'ont pas été examinés, a précisé le président.
"Qu'est-ce qui va rester dans ce dossier ?", a demandé Me Morice. "Les accusations de Martine Compain, celle qui est aujourd'hui visée par une demande" de mise en examen du parquet dans la procédure en cours au Mans.
Dans cette information judiciaire ouverte pour meurtre et complicité depuis 2014, son statut de témoin assistée est contesté.
L'audience à la cour d'appel d'Angers n'a pas encore été fixée.
"C'est une grande victoire qui ouvre la voie à la reconnaissance de l'innocence de Dany Leprince", a estimé Me Morice, qui le défend avec Me Missiva Chermak-Felonneau. "Depuis 1945, il n'y a que douze affaires criminelles à avoir été révisées dans notre pays, nous espérons que Dany Leprince sera la treizième".
Après le rejet de son pourvoi en cassation en 1999 - la possibilité de faire appel d'une condamnation par une cour d'assises n'est possible en France que depuis 2000 - il avait déposé une première requête en révision, rejetée en 2011.