Rome a justifié jeudi l'expulsion du chef de la police judiciaire libyenne, recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité par le fait qu'un tribunal avait ordonné sa libération et qu'en outre il était dangereux.
Le ministre de l'Intérieur italien Matteo Piantedosi a expliqué devant le Sénat que la procédure normale pour l'arrestation d'une personne visée par un mandat d'arrêt de la CPI n'avait pas été suivie, poussant la Cour d'appel de Rome, compétente dans ces situations, à ordonner sa libération.
Osama Almasri Najim "a été rapatrié à Tripoli pour des raisons urgentes de sécurité après mon décret d'expulsion en raison de la dangerosité" du personnage, a précisé M. Piantedosi, suscitant les protestations des membres de l'opposition.
M. Najim, qui aurait été responsable du centre de détention de Mitiga à Tripoli (nord-ouest), est recherché pour des meurtres, viols et tortures, commis depuis le 15 février 2015, selon le mandat d'arrêt de la CPI.
Les crimes présumés ont été commis contre des détenus en raison de leur religion, ou alors qu'ils étaient soupçonnés d'un "comportement immoral" ou de soutenir ou être affiliés à des groupes armés, a déclaré la CPI.
M. Najim a été arrêté dimanche dans un hôtel de Turin en vertu d'un mandat de la CPI, à la suite d'une information d'Interpol.
Mais mardi il a été libéré et expulsé vers Tripoli.
La CPI a pour sa part fait savoir mercredi qu'elle n'a pas été consultée par les autorités italiennes.
"La Cour cherche à obtenir, et n'a pas encore obtenu, de vérification de la part des autorités (italiennes, ndlr) sur les mesures qui auraient été prises", a précisé la CPI.
Pour Sandra Zampa, sénatrice du Parti démocrate (PD, opposition de centre-gauche), parler d'une erreur procédurale dans cette affaire est "une honte".
"S'il y a eu une erreur, il aurait pu être libéré mais gardé sous contrôle judiciaire et remédier à l'erreur en quelques heures", a-t-elle assuré.
Elle a rappelé ironiquement les déclarations de la cheffe du gouvernement Giorgia Meloni selon laquelle l'Italie pourchasserait les trafiquants d'êtres humains sur la terre entière sans que cela s'applique semble-t-il à Turin.
"Quelle honte, ministre, mais quelle honte profonde", a lancé Mme Zampa à M. Piantedosi.
Les groupes internationaux de défense des droits de l'homme condamnent depuis longtemps les abus dans les centres de détention libyens, citant la violence et la torture généralisées.
L'accord controversé de Rome avec la Libye, datant de 2017 et renouvelé sous le gouvernement de droite dure de Mme Meloni, impliquait la fourniture de fonds et de formation aux garde-côtes libyens.
En échange, la Libye devait aider à endiguer le départ des migrants vers l'Italie, ou renvoyer ceux qui étaient déjà en mer vers la Libye, où ils étaient souvent emmenés dans des centres de détention.