Quatre-vingts ans après, le monde commémore lundi la libération d'Auschwitz-Birkenau où des cérémonies sur le site de cet ancien camp nazi allemand réunissent une cinquantaine de rescapés.
Lundi matin, d'anciens détenus, accompagnés par le président polonais Andrzej Duda, ont déposé des fleurs devant le Mur de la mort de ce camp, où les détenus étaient fusillés.
Certains survivants portaient des casquettes et des écharpes à rayures bleues et blanches symbolisant leurs anciens uniformes de prisonniers. Au pied du mur, ils ont allumé des bougies à la mémoire des morts, puis touché le mur avec une main, en silence.
Plus tard dans la journée, les rescapés vont prendre part à la cérémonie principale, aux côtés de dizaines de dirigeants.
Selon les organisateurs, la cérémonie "se concentrera sur les survivants et leurs message", et quatre d'entre eux - Marian Turski, Tova Friedman, Leon Weintraub et Janina Iwanska - prendront la parole.
Dans un entretien à l'AFP au début du mois, cette dernière, âgée de 94 ans, se rappelait de son arrivée à Auschwitz: "je suis descendue du train et j'ai vu les fosses où les corps humains étaient brûlés car les fours crématoires n'arrivaient pas à suivre".
"Quand je suis revenu de déportation, je pesais 28-30 kilos...", a expliqué de son côté lundi matin lors d'un échange avec des lycéens en France Léon Placek, 91 ans, rescapé du camp de Bergen-Belsen où il avait été déporté à l'âge de 10 ans, avec sa mère et son frère.
Les rues d'Oswiecim étaient désertes, le site d'Auschwitz était fermé au public, plongé dans un silence profond, à l'exception du frissonnement des drapeaux du musée d'Auschwitz, rayés comme les tenues des prisonniers.
Malgré la présence importante des délégations internationales à Auschwitz, "il n'y aura pas de discours d'hommes politiques", a souligné à l'AFP le porte-parole du musée Pawel Sawicki, selon qui, il pourrait s'agir du dernier grand anniversaire réunissant un groupe important de survivants.
Le roi Charles III et le président français Emmanuel Macron, ainsi que le chancelier et le président allemands, Olaf Scholz et Frank-Walter Steinmeier, doivent participer à la cérémonie, prévue sous une tente à l'entrée de Birkenau à 16H00 locales (15H00 GMT), en présence de 54 délégations internationales.
Israël sera représenté par son ministre de l'Education Yoav Kisch et l'Ukraine par le président Volodymyr Zelensky.
Plus tôt dans la matinée, M. Zelensky, lui-même d'origine juive, a appelé le monde à "empêcher le mal de gagner", dans une allusion à la Russie.
Avant de se rendre à Auschwitz, le roi Charles III a rencontré des survivants et visité un centre communautaire juif (JCC) à Cracovie dans le sud de la Pologne, qu'il avait inauguré il y 17 ans.
Avec la diminution du nombre de survivants de l'Holocauste, il a estimé que "la responsabilité de la mémoire repose beaucoup plus lourdement sur nos épaules et sur celles des générations à venir.
Auschwitz-Birkenau est devenu le symbole du génocide perpétré par l'Allemagne nazie sur six millions de Juifs européens, dont un million sont morts sur le site entre 1940 et 1945, ainsi que plus de 100.000 non-Juifs.
- "Pour que l'Histoire ne nous oublie pas" -
Avant ce 80e anniversaire de la libération d'Auschwitz-Birkenau, une quarantaine de survivants des camps nazis ont accepté de parler à l'AFP.
Dans 15 pays, d'Israël à la Pologne, de la Russie à l'Argentine, du Canada à l'Afrique du Sud, ils ont raconté leur histoire et posé pour une photo, seuls ou entourés de leurs enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, preuve de leur victoire sur le mal absolu.
Ils ont mis en garde contre la montée de la haine et de l'antisémitisme dans le monde et partagé leurs craintes de voir l'Histoire se répéter.
Julia Wallach, une Parisienne presque centenaire, qui a survécu deux ans à Birkenau où un nazi l'a fait descendre in extremis d'un camion à destination d'une chambre à gaz continue à témoigner.
"Tant que je pourrai le faire, je le ferai", insiste-t-elle. A ses côtés, sa petite-fille Frankie se demande: "Quand elle ne sera plus là, est-ce qu'on voudra nous croire, nous, quand on en parlera?"
C'est pourquoi Esther Senot, 97 ans, s'est rendue à Birkenau le mois dernier accompagnant des lycéens français.
C'est une promesse qu'elle a faite en 1944 à sa soeur Fanny, mourante, qui, allongée sur la paille et crachant du sang, lui avait demandé dans son dernier souffle de raconter ce qui est arrivé "pour que l'Histoire ne nous oublie pas".
- 7.000 survivants -
Le camp a été créé en 1940 dans des baraquements d'Oswiecim, dans le sud de la Pologne occupée, dont le nom a été germanisé en Auschwitz par les nazis. Les 728 premiers prisonniers politiques polonais y sont arrivés le 14 juin de cette année-là.
Du 21 au 26 janvier 1945, les Allemands font sauter les chambres à gaz et les fours crématoires de Birkenau et se retirent.
Le 27 janvier, les troupes soviétiques arrivent et retrouvent 7.000 survivants.
Le jour de la libération du camp a été proclamé par les Nations unies Journée de commémoration de l'Holocauste.
Jusqu'à l'invasion de l'Ukraine en 2022, une délégation russe avait toujours assisté aux cérémonies anniversaires, mais depuis trois ans elle n'y est plus invitée, décision des organisateurs vivement critiquée par Moscou.
Lundi, le président russe Vladimir Poutine a rendu hommage aux soldats soviétiques qui ont vaincu un "mal terrible et total" en libérant le camp, dans un message publié par le Kremlin.
Le président français Emmanuel Macron de son côté a promis lundi à Paris que son pays ne cèderait "rien face à l'antisémitisme sous toutes ses formes".