Auschwitz: 80 ans après, le combat contre "l'indifférence" continue

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"J'ai été déportée à 15 ans, je suis revenue à 17 dans l'indifférence totale": 80 ans plus tard, Esther Senot a raconté, au côté d'Emmanuel Macron, comment elle continue à se battre pour la mémoire de la Shoah.

Le chef de l'Etat s'est rendu lundi matin au Mémorial de la Shoah, au coeur de Paris, avant de s'envoler pour la Pologne où était commémorée la libération, il y a 80 ans, du camp d'extermination d'Auschwitz.

Après s'être recueilli devant la flamme perpétuant le souvenir des six millions de juifs exterminés par l'Allemagne nazie, il a longuement échangé avec deux rescapés et des jeunes "passeurs" de mémoire.

Au retour en 1945, "les gens nous écoutaient mais ne nous entendaient pas", raconte Esther Senot, juive d'origine polonaise. "En tant que juifs on était les oubliés de l'histoire", contrairement aux déportés politiques, rappelle-t-elle.

"Quelqu'un m'a même demandé +Vous êtes revenus si peu nombreux. Qu'est-ce que vous avez fait et pas les autres ?+ On a été culpabilisés", se souvient-elle.

Déportée à Auschwitz-Birkenau, elle y a retrouvé sa soeur, en "très mauvais état", qui n'est pas revenue. Evacuée à pied avec d'autres prisonniers par les nazis face à l'avancée des Soviétiques, elle a survécu à la "marche de la mort" et vécu après guerre dans les Pyrénées-orientales.

Des décennies plus tard, elle demeure une inlassable témoin auprès des collégiens et lycéens.

"Je leur dis souvent la chance qu'ils ont de vivre en France. Ils ont le choix entre la peste et le choléra. La dictature ça mène à Auschwitz", martèle Esther Senot, dont la combativité reste inébranlable malgré l'âge.

- "Quand la haine se désinhibe" -

Au coeur d'un des cinq courts-métrages captant des échanges entre survivants et jeunes d'aujourd'hui, réalisés par Olivier Nakache et Eric Toledano, Léon Placek, déporté à l'âge de 10 ans dans le camp de Bergen-Belsen, n'a qu'un message à adresser : "Vous battre. Accepter la différence de l'autre. L'intolérance est un cancer".

Alors que Mme Senot interpelle Emmanuel Macron sur la prise en compte des autres génocides après la Shoah, comme celui du Rwanda en 1994, Jacques Fredj, directeur du Mémorial de la Shoah, souligne que tous sont indissociables.

"Il n'y a pas de concurrence de la mémoire. La lutte contre l'antisémitisme se fait dans un combat global de l'ensemble des racismes", fait-il valoir, en pointant "l'explosion" de nouveau de ce fléau.

Alors que l'échange touche à sa fin, Léon Placek demande, encore incrédule, pourquoi "Hitler s'en est pris aux Juifs".

Emmanuel Macron s'embarque alors dans un cours d'histoire en accéléré. "Il y avait un antisémitisme d'atmosphère en Europe depuis la fin du 19e siècle (..) puis après la défaite de 1918, l'humiliation de Versailles, une détestation de la République de Weimar qui avait accepté de défendre un cosmopolitisme +insupportable+", dit-il. "Quand la haine se désinhibe et qu'on on déshumanise l'autre, tout est possible", avertit-il.