De "graves crimes" ont été commis depuis le coup d'Etat militaire de février 2021 en Birmanie, ont alerté jeudi des enquêteurs des Nations unies qui redoutent que la situation ne s'aggrave encore si les auteurs ne sont pas jugés.
Depuis l'arrivée au pouvoir de la junte qui a renversé le gouvernement élu d'Aung San Suu Kyi le 1er février 2021, refermant une décennie de parenthèse démocratique, "de graves crimes internationaux ont été commis dans tout le pays", s'est alarmé jeudi dans un communiqué Nicholas Koumjian, à la tête du Mécanisme onusien d'enquête indépendant pour la Birmanie.
"Les manifestations contre le régime militaire ont été réprimées avec une violence souvent meurtrière. Des milliers d'opposants présumés ont été emprisonnés illégalement et beaucoup ont subi des tortures, des violences sexuelles et d'autres abus", a ajouté M. Koumjian.
En décembre, le secrétaire général de l'ONU, António Guterres, s'était déjà montré "très inquiet" de "l'escalade des violences" en Birmanie.
"Des frappes aériennes, des tirs d'artillerie et des attaques de drones de plus en plus fréquents et aveugles ont tué des civils, chassé des survivants de leurs maisons et détruit des hôpitaux, des écoles et des lieux de culte", a poursuivi M. Koumjian.
Les enquêteurs du Mécanisme disposent de "preuves substantielles", dont la plupart concernent jusqu'à présent des crimes commis par l'armée, a-t-il assuré.
Mais des informations "inquiétantes" font également état d'atrocités - viols, meurtres, actes de torture - commises par des groupes rebelles ethniques qui affrontent l'armée, a-t-il ajouté.
La guerre civile a provoqué le déplacement de plus de 3,5 millions de personnes dans le pays, selon les Nations unies.
Pour autant, aucune procédure judiciaire n'est en cours, a regretté M. Koumjian, selon lequel "l'impunité" risque d'encourager "leurs auteurs à commettre davantage de violence".
En novembre, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a demandé un mandat d'arrêt à l'encontre du chef de la junte, Min Aung Hlaing, pour des crimes présumés commis à l'encontre de la minorité rohingya lors d'opérations de déminage en 2016 et 2017.
Le Mécanisme d'enquête indépendant "est prêt à aider les autorités qui souhaitent et peuvent enquêter sur ces affaires" pour "engager des poursuites", a assuré M. Koumjian.
De son côté, Tom Andrews, rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l'Homme en Birmanie, a déclaré que quatre années d'oppression militaire, de violences et d'incompétence avaient précipité le pays dans l'abîme.
"Les forces de la junte ont massacré des milliers de civils, bombardé et brûlé des villages, et déplacé des millions de personnes", a déclaré l'ancien membre du Congrès américain.
"Plus de 20.000 prisonniers politiques sont toujours derrière les barreaux. L'économie et les services publics se sont effondrés. La famine menace une grande partie de la population", a-t-il déploré.
Selon l'ONU, 19,9 millions de personnes en Birmanie, soit plus d'un tiers de la population, auront besoin d'une aide humanitaire en 2025.
"Les projets de la junte, notamment l'organisation de simulacres d'élections cette année dans un contexte d'escalade du conflit armé et de violations des droits de l'Homme, sont un chemin vers la ruine", a encore fustigé Tom Andrews.