Le parquet général de la cour d'appel de Paris a annoncé vendredi à l'AFP avoir formé un pourvoi après l'abandon des poursuites pour génocide sur la minorité yazidie contre une revenante française de Syrie et ancienne épouse d'un émir du groupe Etat islamique.
La chambre de l'instruction a ordonné le 22 janvier que Sonia Mejri, 35 ans, soit jugée devant la cour d'assises spéciale pour complicité de viols constitutifs de crimes contre l'humanité, imputés à son ex-mari Abdelnasser Benyoucef, et pour association de malfaiteurs terroriste criminelle.
Les juges ont ainsi abandonné les qualifications, comme auteure principale, de génocide et crimes contre l'humanité.
Son ex-compagnon, présumé mort en 2016 et visé par un mandat d'arrêt, sera, lui, jugé par défaut pour génocide et crimes contre l'humanité sur la minorité yazidie.
"Le parquet général de la cour d'appel de Paris a formé un pourvoi estimant, notamment, que la qualification pénale de génocide pouvait être retenue à l'encontre de l'accusée", a-t-il expliqué.
Pour Me Nabil Boudi, avocat de Sonia Mejri, "le parquet général veut sauver coûte que coûte cette procédure". Il dénonce une "obstination" pour "des raisons politiques".
"La théorie de la défense a été confirmée par l'arrêt (de la chambre de l'instruction), motivé en droit et en faits: les charges sont inexistantes", a-t-il ajouté, annonçant former également un pourvoi pour contester les poursuites pour complicité de crime contre l'humanité.
En septembre, un juge d'instruction avait ordonné le renvoi d'Abdelnasser Benyoucef et de Sonia Mejri pour infractions terroristes ainsi que pour génocide et crimes contre l'humanité, les soupçonnant d'avoir réduit en esclavage, au printemps 2015, une adolescente yazidie.
Selon l'ordonnance de mise en accusation consultée par l'AFP, Sonia Mejri était "la garante de (son) enfermement": elle détenait la clef de l'appartement et portait une arme pour la dissuader de fuir.
Cette ordonnance n'avait pas été signée par la seconde magistrate chargée des investigations et spécialisée dans les contentieux de crimes contre l'humanité, signe de son désaccord.
La défense de Sonia Mejri avait fait appel, estimant que les investigations n'avaient pas permis d'établir d'acte matériel de génocide, d'intention génocidaire, ni d'acte de provocation ou d'aide à commettre ces crimes.
Elle évoquait aussi des déclarations "évolutives et parfois incohérentes" de la Yazidie, retrouvée par les enquêteurs.
Selon une source proche du dossier, la procédure manquait "d'éléments tangibles" pour attribuer à Sonia Mejri une "intention génocidaire" et un rôle de "rouage tangible" de ces exactions planifiées.