La justice française a ordonné jeudi à la ville de Biarritz de débaptiser son quartier de "La Négresse", une "décision historique" pour l'association requérante qui salue un "refus de la banalisation du racisme".
La cour administrative d'appel de Bordeaux, dans le sud-ouest du pays, "juge que, quelles que soient l'origine supposée de cette appellation et sa dimension historique revendiquée par la commune de Biarritz, le terme +La Négresse+ évoque aujourd'hui, de façon dévalorisante, l'origine raciale d'une femme dont l'identité n'a d'ailleurs pas été formellement identifiée".
Elle pointe un mot "de nature à porter atteinte à la dignité de la personne humaine" qui peut être perçu par la population, "qu'elle soit résidente ou de passage, comme comportant un caractère offensant à l'égard des personnes d'origine africaine".
L'association bordelaise Mémoires et Partages, qui promeut le travail de mémoire sur la colonisation et l'esclavage, avait demandé à la maire de droite de Biarritz Maider Arosteguy d'abroger deux délibérations de 1861 et 1986 ayant baptisé du nom "La Négresse" un quartier et une rue de la ville.
"Emu", le directeur et fondateur de l'association requérante, Karfa Diallo, a salué une "décision historique".
"C'est le triomphe des valeurs de la République, c'est le refus de la banalisation du racisme, du sexisme, cette appellation, cet outrage, n'avait que trop duré, il était temps d'y mettre un terme", a-t-il déclaré à l'AFP.
Pour lui, cette décision comporte une dimension d'autant plus symbolique du fait que l'hôtel particulier abritant la cour administrative d'appel de Bordeaux "est marquée par l'histoire de l'esclavage et de la traite".
L'hôtel Nairac a en effet été construit en 1777 "par la famille bordelaise qui a déporté le plus d'Africains en Amérique", selon son association.
La France a activement participé à la traite négrière à partir du XVIIe siècle et jusqu'à l'abolition de l'esclavage en 1848.
Bordeaux était l'un des principaux ports négriers, après Nantes. Environ 500 expéditions sont parties de la capitale girondine vers l'Afrique entre 1672 et 1837, entraînant la déportation de 120.000 à 150.000 Noirs.
L'année 2026 marquera le 25e anniversaire de la loi de 2001 qui a reconnu l'esclavage comme crime contre l'Humanité et institué une journée de commémoration de l'abolition de l'esclavage.
Selon les historiens, le terme "La Négresse" aurait été attribué à ce quartier par des soldats napoléoniens au début du XIXème siècle en raison de la présence d'une auberge tenue "par une femme très brune". D'autres sources attribuent l'origine du terme à l'expression gasconne "lane gresse", désignant une terre d'argile présente dans cette partie de la commune.
L'élue ayant refusé, l'association avait saisi la justice.
La maire de Biarritz, Mme Arosteguy, a critiqué une décision qui "signifie que la justice n'a pas suivi l'explication historique de ce nom mais a préféré rester sur une lecture contemporaine".
Elle a indiqué à l'AFP vouloir porter la décision devant le Conseil d'Etat.
A l'audience, le 16 janvier la rapporteure publique, dont l'avis est généralement suivi, avait estimé que "l'évolution sémantique" du mot lui confère aujourd'hui une "connotation insultante" pouvant "porter atteinte à la dignité humaine".