Qualifiée de "raciste" par Elon Musk, sanctionnée par le président américain Donald Trump, l'Afrique du Sud entend "ne pas se laisser intimider": les échanges entre les deux pays ont pris une tournure acerbe cette semaine.
Prenant prétexte d'une loi sur l'expropriation qu'il juge discriminatoire contre la minorité blanche, le président américain a signé vendredi un décret gelant toute aide à l'Afrique du Sud.
Pretoria a dénoncé samedi une "campagne de désinformation et de propagande" de la part de Washington, où des "récits" qui manquent "d'exactitude factuelle" semblent "avoir la faveur des décideurs".
La présence dans l'équipe de Trump du milliardaire américain Elon Musk, qui a grandi en Afrique du Sud sous l'apartheid et dénonce une loi foncière "ouvertement raciste", augure de turbulences pour le premier partenaire commercial des Etats-Unis en Afrique, soulignent des experts.
Les sanctions américaines décidées contre la Cour pénale internationale (CPI) que Trump accuse d'avoir engagé des actions "sans fondement" contre son "proche allié" Israël risquent aussi d'accroître les tensions. Car Pretoria s'est placé en pointe des efforts internationaux pour faire qualifier de "génocide" la guerre à Gaza.
Avant Trump, des sénateurs bipartisans "remettaient déjà en question la relation avec l'Afrique du Sud", note Dawie Roodt, chef économiste au groupe Efficient. En 2023, ils avait appelé Joe Biden à punir Pretoria pour ne pas avoir condamné l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
Mais avec le retour de Donald Trump au pouvoir, "brusquement, ces voix minoritaires pèsent davantage", relève cet analyste.
La querelle a démarré avec des déclarations de Donald Trump accusant l'Afrique du Sud de vouloir procéder, comme au Zimbabwe dans les années 2000, à une confiscation des terres appartenant aux fermiers blancs.
Il a affirmé que l'Afrique du Sud traitait "TRES MAL certaines catégories de personnes", en référence à une récente loi sur l'expropriation décriée par une frange des propriétaires fonciers blancs, et qu'en conséquence il couperait "tout financement" à destination du pays.
La séquence s'est poursuivie mercredi avec l'annonce par Marco Rubio qu'il ne se rendrait pas à Johannesburg pour une réunion des ministres des Affaires étrangères du G20 courant février, taxant l'Afrique du Sud, qui assure sa présidence tournante cette année, d'"anti-américanisme".
- Pretoria perdant -
Pretoria, membre fondateur du bloc diplomatique des BRICS, s'est aussi vu accusé par le sénateur républicain Ted Cruz de "faire tout son possible pour s'aliéner les Etats-Unis" après avoir demandé à Taïwan de déménager sa délégation hors de sa capitale Pretoria.
Sans compter que Donald Trump a menacé d'imposer des droits de douane de 100% aux membres des BRICS pour les dissuader de renoncer au dollar dans leurs échanges.
Réponse face à cette avalanche de critiques: l'Afrique du Sud "ne se laissera pas intimider", a prévenu jeudi son président Cyril Ramaphosa.
Mais au-delà du discours, le pays manque de leviers pour s'opposer à Washington, jugent des experts.
"Trump a l'économie américaine, la technologie, un certain nombre de milliardaires, d'énormes mouvements politiques derrière lui", souligne M. Roodt. Selon lui, "le grand perdant va être l'Afrique du Sud".
Il existe aussi des risques pour la prolongation des accords de l'African Growth and Opportunity Act (AGOA) dont le renouvellement est prévu cette année.
L'Afrique du Sud est l'un des principaux bénéficiaires de ces accords qui donnent accès à certains produits africains au marché américain sans droits de douane.
"Si Trump a pu fermer l'USAID comme il l'a fait, affectant la vie de millions de personnes, l'AGOA n'a pas une grande chance de survivre", confie à l'AFP Neil Diamond, président de la Chambre de commerce sud-africaine aux États-Unis.
Selon lui, "il faudrait une intervention massive des dirigeants africains pour changer la vision de Trump".
Plus optimiste, la politologue Susan Booysen estime que "si c'est juste une pure provocation de la part de Trump, comme il sait le faire, cela peut se terminer à tout moment avec un +Oh! oubliez ce que j'ai dit+", explique-t-elle à l'AFP.
Pour son confrère Sandile Swana en revanche, "Trump nous ramène à l'âge des ténèbres". Elon Musk, qui a quitté l'Afrique du Sud à 17 ans, "joue un grand rôle", estime-t-il et "certains Sud-Africains blancs haut placés murmurent des choses à l'oreille de Trump qui ne sont pas vérifiées".
Selon lui, "des groupes de suprématistes blancs prennent du pouvoir et l'utilisent pour imposer leurs vues conservatrices", l'Afrique du Sud étant "une cible facile".