Suède: une femme condamnée à 12 ans de prison pour l'esclavage de Yazidis en Syrie

1 min 20Temps de lecture approximatif

Une Suédoise d'origine irakienne a été condamnée mardi par un tribunal de Stockholm à 12 ans de prison pour crimes contre l'humanité, dans la première affaire judiciaire du pays concernant des crimes commis en Syrie par le groupe Etat islamique (EI) contre la minorité yazidie.

Lina Ishaq, 52 ans, a été reconnue coupable de "génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre graves", pour avoir réduit en esclavage des femmes et des enfants yazidis en Syrie pendant cinq mois en 2015, a estimé le tribunal dans un communiqué.

Son action s'inscrivait dans le cadre d'attaques menées par le groupe jihadiste EI à l'encontre de la minorité yazidie.

Neuf personnes, trois femmes et six enfants, poursuivaient l'accusée en justice dans le cadre de cette première enquête menée en Suède pour des crimes commis par l'EI contre la minorité kurdophone des Yazidis.

"Cette femme les a maintenus en captivité et les a traités comme sa propriété et ses esclaves pendant (...) près de cinq mois" à Raqqa, ancienne place forte de l'EI en Syrie, poursuit le tribunal.

La procureure Reena Devgun a indiqué à l'AFP qu'elle était "satisfaite que le tribunal ait prononcé une condamnation pour génocide et crimes contre l'humanité" mais qu'elle allait "probablement faire appel".

D'une part, il s'agissait de la première comparution pour "crimes contre l'humanité en Suède donc il n'y a pas de jurisprudence à laquelle se référer", a-t-elle dit.

D'autre part, "il s'agit de crimes très, très graves et (...) je pense qu'il y a de la place pour une peine plus sévère", a-t-elle souligné.

Tous les plaignants avaient été capturés par l'EI dans le cadre d'une série d'attaques contre des villages yazidis ayant débuté en août 2014 à Sinjar en Irak, et leurs parents de sexe masculin avaient alors été exécutés.

Après environ cinq mois de captivité et d'esclavage dans différents centres de l'EI, ils sont arrivés au domicile de la femme condamnée.

Chez elle, ils étaient privés de liberté de déplacement, interdits de pratiquer leur religion, ils devaient prendre en charge des tâches ménagères et certains ont été photographiés en vue d'être transférés à d'autres membres de l'EI, selon la décision.

- Conversion forcée -

Lina Ishaq les a en particulier contraints à devenir des musulmans pratiquants en les obligeant à suivre des cours sur l'islam, à réciter le Coran et à prier cinq fois par jour.

"Etant donné qu'elle a participé au transfert des victimes lésées, elle est également responsable d'avoir permis la poursuite de leur emprisonnement et de leur mise en esclavage", a estimé le tribunal.

Certains des plaignants, selon le tribunal, ont été relâchés par des trafiquants plusieurs mois après leur passage chez l'accusée mais trois des enfants n'ont été relâchés que deux, trois et sept ans après avoir été retenus en captivité.

"Le système global d'asservissement" était l'un des "éléments cruciaux" mis en oeuvre par l'EI dans "la perpétration du génocide, des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre flagrants dont la population yazidie a été victime", ajoute la cour.

L'accusée "a partagé l'objectif d'holocauste de l'EI et ses actes se sont inscrits avec d'autres actes similaires dans le cadre de la stratégie et de l'idéologie sous-jacentes de l'EI", a déclaré la juge Maria Ulfsdotter Klang citée dans le communiqué du tribunal.

L'avocat de Lina Ishaq, Mikael Westerlund, a indiqué que sa cliente, qui nie les faits, n'a pas encore décidé si elle faire appel du verdict.

"Nous sommes satisfaits qu'elle n'ait pas été condamnée à la prison à perpétuité qui était une demande forte de l'accusation", a-t-il dit à l'AFP.

L'avocate des parties civiles n'était pas joignable dans l'immédiat pour obtenir une réaction.

Lina Ishaq est déjà en détention, condamnée en 2022 pour avoir permis le recrutement de son fils de 12 ans comme enfant soldat par le groupe jihadiste.

Elle a grandi dans une famille irakienne chrétienne en Suède. Elle s'est convertie à l'islam dans les années 1990 lorsqu'elle a rencontré son mari.

Lina Ishaq s'est ensuite rendue avec sa famille en 2013 en Syrie, et, après le décès de son mari, a épousé en 2014 un Irakien membre de l'EI. Ils se sont installés à Raqqa.

Environ 300 Suédois ou résidents suédois, dont un quart de femmes, ont rejoint l'EI en Syrie et en Irak, principalement en 2013 et 2014, selon le service de renseignement suédois Säpo.