L'Arménie, bravant Moscou, demande des négociations d'adhésion à l'UE

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Le Parlement arménien a voté mercredi en première lecture un projet de loi visant à ouvrir des négociations pour rejoindre l'Union européenne, illustrant la volonté de Erevan, en froid avec la Russie, de se rapprocher des Occidentaux.

Depuis près d'un an et demi, l'Arménie multiplie les gestes de défiance à l'égard de Moscou, un allié historique qui lui a longtemps vendu des armes et dispose toujours d'une base militaire sur le territoire de ce petit pays du Caucase.

Erevan reproche au Kremlin de ne pas l'avoir soutenu suffisamment dans ses différends avec l'Azerbaïdjan, particulièrement lors des conflits armés au Karabakh de 2020 et 2023.

L'Arménie souhaite donc lancer un processus d'adhésion à l'UE, puissance concurrente de la Russie dans le Caucase, sur la base du projet de loi approuvé mercredi en première lecture avec 63 voix "pour" et sept voix "contre".

"Exprimant la volonté du peuple de la République d'Arménie, ayant fixé comme objectif de faire de l'Arménie un pays sûr et développé, l'Arménie annonce le début d'un processus d'adhésion à l'UE", indique le texte.

Il doit désormais être étudié en deuxième lecture. Il avait été soumis aux élus le 9 janvier par le gouvernement.

L'année dernière, une initiative civique, soutenue par des partis et organisations pro-européennes, avait lancé une pétition demandant le début d'un processus d'adhésion, qui avait recueilli environ 60.000 signatures dans ce pays de 2,7 millions d'habitants.

Artak Zaïnalian, porte-parole de cette initiative civique et ancien ministre de la Justice, défendant le texte, a jugé que l'Europe était synonyme de "liberté, d'enseignement supérieur, de technologies supérieures, de médecine de haut niveau, de style et de goût...".

Selon lui, le projet de loi n'a pas pour "objectif" un départ de l'Arménie de l'Union économique eurasiatique, une alliance dominée par Moscou et dont elle fait partie depuis 2015, mais "d'ouvrir de nouveaux marchés" à Erevan.

Des groupes d'opposition au Parlement ont boycotté le vote de mercredi. "C'est un immense bluff politique qui n'a aucune perspective" de réussite, a cinglé la faction d'opposition "Arménie".

- Inaction russe -

L'Arménie reproche à Moscou son manque de soutien face à l'Azerbaïdjan, qui a entièrement reconquis par la force, à l'automne 2023, la région azerbaïdjanaise à majorité arménienne du Karabakh, contrôlée pendant trois décennies par des séparatistes soutenus par Erevan.

Des soldats de la paix russes déployés dans le Karabakh n'étaient pas intervenus lors de cette offensive azerbaïdjanaise pour faire respecter un cessez-le-feu conclu fin 2020 entre Bakou et Erevan après une guerre de six semaines.

La reprise de tout le Karabakh par l'Azerbaïdjan a conduit plus de 100.000 Arméniens à fuir ce territoire, de crainte d'exactions.

Depuis, Erevan prend ses distances avec Moscou.

Fin janvier 2024, l'Arménie a officiellement adhéré à la Cour pénale internationale (CPI) malgré les avertissements de Moscou, et elle est désormais tenue d'arrêter Vladimir Poutine s'il mettait le pied en territoire arménien, en vertu d'un mandat d'arrêt délivré à l'encontre du président russe en mars 2023.

En juillet 2024, l'Arménie a aussi accueilli des exercices militaires conjoints avec les Etats-Unis.

Une base militaire russe permanente se trouve toujours sur le territoire arménien, à Gyoumri, et Erevan reste membre de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), une alliance militaire pilotée par Moscou.

En février 2024, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian avait néanmoins affirmé que l'Arménie avait gelé "en pratique" sa participation à cette organisation.

Parallèlement, le gouvernement de la Géorgie, pays voisin de l'Arménie, s'est engagé selon ses détracteurs dans une dérive autoritaire et un rapprochement avec la Russie. En novembre 2024, il a suspendu tout processus d'adhésion à l'UE, en dépit de grandes manifestations d'opposition.

Troisième république du Caucase issue de l'URSS, l'Azerbaïdjan est pour sa part un proche allié de la Turquie, adversaire historique de Erevan.