Guerre au Soudan: le Kenya critiqué pour l'accueil d'un acte politique des paramilitaires soudanais

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La présidence du Kenya a été critiquée par le gouvernement du Soudan et par des personnalités locales mercredi pour l'accueil sur son sol des paramilitaires soudanais prévoyant d'y proclamer un gouvernement parallèle dans deux jours.

Les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), en guerre contre l'armée régulière soudanaise depuis près de deux ans, prévoient d'annoncer la formation d'un gouvernement parallèle dans les zones qu'ils contrôlent au Soudan, lors d'une réunion prévue vendredi à Nairobi, ont confié des sources des FSR à l'AFP.

Le ministère soudanais des Affaires étrangères, allié au chef de l'armée Abdel Fattah al-Burhane, a dénoncé mardi cet événement, affirmant dans un communiqué qu'il "favorisait le démembrement des Etats africains, violait leur souveraineté et s'ingérait dans leurs affaires intérieures".

A Nairobi, la présidence, occupée depuis 2022 par William Ruto, n'a pas répondu mercredi aux sollicitations de l'AFP. Mais des voix se sont localement érigées contre la tenue dans la capitale kényane de cet événement.

"Ce que fait Ruto est un abandon irresponsable de la prudence traditionnelle et de l'approche digne de la diplomatie kényane", a déclaré à l'AFP Mukhisa Kituyi, homme politique et ancien secrétaire général de l'agence des Nations unies pour le Commerce et le Développement (Cnuced).

M. Ruto "essaye de légitimer un gang criminel qui a démembré des gens", a-t-il ajouté, qualifiant ce projet de "criminellement irresponsable".

Depuis avril 2023, la guerre entre l'armée soudanaise et les FSR a fait des dizaines de milliers de morts, déplacé plus de 12 millions de personnes et engendré un désastre humanitaire.

Elle a également déchiré le pays, l'armée contrôlant l'est et le nord du Soudan, et les FSR dominant la quasi-totalité de la région occidentale du Darfour et des pans du sud.

Ces dernières semaines, l'armée a mené une offensive dans le centre du pays, reprenant des villes-clés et la quasi-totalité de Khartoum, la capitale.

- "Bas étage" -

Les FSR, en décidant de signer une charte avec des factions politiques alliées pour instaurer un gouvernement sur les territoires qu'elles contrôlent, cherchent à consolider leur emprise sur le Darfour.

L'armée et les FSR sont accusées de crimes de guerre, mais les paramilitaires se distinguent par des exécutions de masse à caractère ethnique, des violences sexuelles et de graves violations des droits humains sur leurs territoires.

En janvier, les Etats-Unis ont qualifié leurs actions au Darfour de génocide et sanctionné leur commandant Mohamed Hamdane Daglo, avant de sanctionner aussi le général Burhane, pour crimes de guerre.

Mercredi, l'Union africaine (UA) a dénoncé "les crimes de guerre et crimes contre l'humanité" incessants au Soudan.

Le ministère soudanais des Affaires étrangères a accusé le Kenya de "cautionner les atrocités (des FSR) et d'en être complice" en permettant à ces dernières de s'exprimer.

L'événement était initialement prévu mardi à Nairobi au Centre international des congrès Kenyatta (KICC), propriété de l'Etat, mais, après plusieurs heures de retard, il a été repoussé à vendredi.

Le général Daglo lui-même, qui est resté invisible pendant la majeure partie de la guerre, a atterri au Kenya et est attendu vendredi à la réunion, ont indiqué à l'AFP des sources impliquées dans l'organisation de l'événement.

Le Kenya a de nombreuses fois accueilli des négociations régionales de paix, notamment pour le Soudan il y a 20 ans.

Mais selon l'ONG Refugees International, la réunion de vendredi "fait voler en éclat" l'image que le Kenya aime à projeter. "C'est de la diplomatie de bas étage dont on ne revient pas", a déclaré à l'AFP Abdullahi Boru Halakhe, avocat travaillant pour Refugees International.