Gouvernement parallèle au Soudan: l'ONU s'inquiète, le Kenya critiqué

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La proclamation attendue vendredi d'un gouvernement parallèle, par les paramilitaires soudanais, va augmenter la "fragmentation" du pays et risque d'"aggraver la crise", s'est inquiété mercredi le porte-parole du secrétaire général de l'ONU.

Dans le même temps, la présidence du Kenya est sous le feu des critiques du gouvernement soudanais et de personnalités locales pour l'accueil sur son sol des paramilitaires soudanais prévoyant d'y proclamer ce gouvernement parallèle dans les zones qu'ils contrôlent.

La guerre entre l'armée et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) a fait depuis avril 2023 des dizaines de milliers de morts, déraciné plus de 12 millions de personnes et engendré un désastre humanitaire.

"Nous sommes très inquiets de toute nouvelle escalade du conflit au Soudan, et de toute action comme celle-là qui augmenterait la fragmentation du pays et risque d'aggraver la crise", a déclaré le porte-parole onusien Stéphane Dujarric.

"Préserver l'unité, la souveraineté et l'intégrité territoriale du Soudan reste un élément clé d'une résolution durable du conflit et de la stabilité à long terme du pays et de la région", a-t-il insisté, appelant une nouvelle fois à un cessez-le-feu immédiat.

- "Démembrement" -

Le ministère soudanais des Affaires étrangères, allié au chef de l'armée Abdel Fattah al-Burhane, a dénoncé mardi cet événement, affirmant qu'il "favorisait le démembrement des Etats africains, violait leur souveraineté et s'ingérait dans leurs affaires intérieures".

Cette guerre civile a déchiré le pays, l'armée contrôlant l'est et le nord du Soudan, et les FSR dominant la quasi-totalité de la région occidentale du Darfour et des pans du sud.

Plus de 200 personnes ont par ailleurs été tuées en trois jours dans des attaques des paramilitaires contre deux villages au sud de Khartoum, a indiqué mardi un groupe d'avocats prodémocratie, le gouvernement soutenu par l'armée faisant état d'un bilan deux fois plus important.

L'Union africaine (UA) a de son côté dénoncé mercredi "la perpétration ininterrompue de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité" dans ce pays.

Cette annonce prévue sur le sol kényan d'un gouvernement parallèle soudanais est également vivement critiquée par des personnalités locales.

"Ce que fait Ruto est un abandon irresponsable de la prudence traditionnelle et de l'approche digne de la diplomatie kényane", a déclaré à l'AFP Mukhisa Kituyi, homme politique et ancien secrétaire général de l'agence des Nations unies pour le Commerce et le Développement (Cnuced).

M. Ruto "essaye de légitimer un gang criminel qui a démembré des gens", a-t-il ajouté, qualifiant ce projet de "criminellement irresponsable".

Le ministère kényan des Affaires étrangères s'est défendu, déclarant que l'organisation de l'événement des paramilitaires était "compatible avec le rôle du Kenya dans les négociations de paix qui l'oblige à fournir des plateformes impartiales aux parties en conflit pour rechercher des résolutions".

Le Kenya a de nombreuses fois accueilli des négociations régionales de paix, notamment pour le Soudan il y a 20 ans.

Mais selon l'ONG Refugees International, la réunion de vendredi "fait voler en éclat" l'image que le Kenya aime à projeter. "C'est de la diplomatie de bas étage dont on ne revient pas", a déclaré à l'AFP Abdullahi Boru Halakhe, avocat travaillant pour Refugees International.

- "Conditions de famine" -

Ce nouveau développement dans la guerre civile intervient au moment où le pays traverse une très grave crise humanitaire en raison des violences.

Selon un système de classification de la sécurité alimentaire (IPC) utilisé par les agences de l'ONU, "il existe des preuves raisonnables de conditions de famine dans au moins cinq zones du Soudan: les camps de Zamzam, Abu Shouk et Al Salam au Nord-Darfour et deux localisations dans les Monts Nuba occidental", selon M. Dujarric.

"Des rapports font état de personnes mourant de faim dans certaines zones comme le Darfour, le Kordofan et Khartoum", a précisé le porte-parole du secrétaire général de l'ONU.