Philippines : Duterte arrêté sous mandat de la CPI

Aux Philippines, la bataille politique entre les deux dynasties qui dirigent le pays, les familles Marcos et Duterte, semble tourner en faveur de la Cour pénale internationale (CPI). L’ancien président Rodrigo Duterte a été arrêté, ce mardi 11 mars, à l’aéroport de Manille en application d’un mandat d’arrêt émis par la CPI, qui le soupçonne de crimes contre l’humanité pour sa guerre meurtrière contre la drogue.

Rodrigo Duterte, l'ex-président des Philippines, a été arrêté à Manille suite à l'émission d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI). Photo : Duterte prononce un discours en août 2018.
L’ancien président Rodrigo Duterte, inculpé par la Cour pénale internationale (CPI) pour sa guerre anti-drogue qui aurait fait environ 20 000 morts, a été arrêté mardi 11 mars 2025 à l’aéroport de Manille, la capitale des Philippines. Photo : © Ted Aljibe / AFP
3 min 40Temps de lecture approximatif

Rodrigo Duterte, l’ex-président des Philippines âgé de 79 ans, est accusé du « crime contre l’humanité de meurtre », selon la Cour pénale internationale (CPI), pour une répression qui a selon les organisations de défense des droits humains tué des dizaines de milliers d’hommes, pour la plupart pauvres, souvent sans preuve qu’ils étaient liés à la drogue.

La CPI a ouvert une enquête sur cette campagne lancée en 2016.

"Tôt ce matin, Interpol Manille a reçu la copie officielle d'un mandat d'arrêt émis par la CPI", a annoncé la présidence dans un communiqué. "Il est actuellement en détention". "L'ancien président et son groupe sont en bonne santé et sont en train d'être examinés par les médecins".

Dans une vidéo publiée sur le compte Instagram de sa plus jeune fille, Veronica, M. Duterte exige de connaître les motifs de son arrestation.

"Quelle est la loi (sur le fondement de laquelle j'ai été arrêté) et quel est le crime que j'ai commis? Prouvez-moi maintenant la base légale de ma présence ici", déclare-t-il dans la vidéo. "J'ai été amené ici non pas de mon plein gré mais par une volonté extérieure [...] vous devez maintenant répondre de ma privation de liberté".

Bien qu'aucun lieu n'ait été précisé dans la vidéo, une photo publiée par son parti politique indique qu'il est détenu à la base aérienne de Villamor, située à proximité de l'aéroport de Manille.

L'ex-dirigeant (2016-2022) de 79 ans revenait d'un bref voyage à Hong Kong et venait d'atterrir à l'aéroport international quand il a été arrêté.

S'exprimant devant des milliers de travailleurs philippins dimanche à Hong Kong, Rodrigo Duterte avait condamné l'enquête, traitant les enquêteurs de la CPI de "fils de putes", tout en admettant qu'il "accepterait" s'il devait être arrêté.

Les Philippines ont quitté la CPI en 2019 selon ses ordres, mais la Cour basée à La Haye, aux Pays-Bas, a déclaré maintenir sa juridiction en ce qui concerne les meurtres qui se sont passés avant le retrait du pays, ainsi que pour les meurtres commis dans la ville de Davao, à l'époque où M. Duterte y était maire, avant qu'il ne devienne président.

"Etape cruciale"

Plus de 6.000 personnes ont été tuées lors des opérations anti-drogue sous la présidence de M. Duterte, selon les données officielles publiées par les Philippines. Les procureurs de la CPI estiment de leur côté que le nombre de morts se situe entre 12.000 et 30.000.

L'ancien président reste extrêmement populaire aux Philippines où nombreux sont ceux qui ont soutenu ses solutions rapides à la criminalité. Il reste une puissante force politique et est en lice pour retrouver son poste de maire aux élections de mi-mandat en mai.

L'ancien conseiller juridique de la présidence, Salvador Panelo, a qualifié d'"illégale" l'arrestation de Rodrigo Duterte.

"La police nationale philippine n'a pas autorisé l'un de ses avocats à le rencontrer à l'aéroport et à remettre en question la base juridique de (son) arrestation", a-t-il argué, ajoutant qu'aucune copie papier du mandat d'arrêt de la CPI n'avait été fournie.

Un groupe de soutien aux mères des personnes tuées dans le cadre de la répression antidrogue de M. Duterte a lui qualifié l'arrestation de "développement très positif".

"Les mères dont les maris et les enfants ont été tués à cause de la guerre contre la drogue sont très heureuses car elles attendaient cela depuis très longtemps", a déclaré à l'AFP Rubilyn Litao, coordinatrice de l'association Rise Up for Life and for Rights.

Human Rights Watch a de son côté appelé le gouvernement du président Ferdinand Marcos à "remettre rapidement (Duterte) à la CPI", estimant que cette arrestation constituait une "étape cruciale dans l'obligation de rendre des comptes aux Philippines".

La Chine a en revanche appelé la Cour à "éviter les deux poids, deux mesures" en réaction à cette arrestation, l'exhortant à "exercer ses pouvoirs avec prudence, conformément à la loi et à "éviter toute politisation".

"Pour mon pays"

Se définissant lui-même comme un tueur, M. Duterte a demandé à ses agents de police de tirer mortellement sur les personnes soupçonnées de trafic de stupéfiants si leur vie était en danger.

Il a insisté sur le fait que la répression avait permis de sauver des familles et d'éviter que les Philippines ne se transforment en un "Etat narco-politique".

Rodrigo Duterte a fermement défendu sa guerre meurtrière contre la drogue en octobre, dans le cadre de son audition au Sénat qui enquête sur les meurtres à grande échelle durant cette période.

"Ne remettez pas en question mes politiques, car je n'ai pas d'excuses, pas de prétextes. J'ai fait ce que j'avais à faire et, que vous le croyiez ou non, je l'ai fait pour mon pays", a déclaré M. Duterte.

Un temps pressentie pour succéder à son père, sa fille Sara Duterte s'est retirée en faveur de Ferdinand Marcos, fils de l'autocrate du même nom, à qui elle s'est alliée, avant d'être élue à la vice-présidence

Mais l'alliance entre les deux dynasties a implosé récemment, à l'approche des élections de mi-mandat prévues l'année prochaine. Elle fait face à trois plaintes pour destitution.

Tous nos articles au sujet de :