L'ancien président des Philippines Rodrigo Duterte, 79 ans, a été arrêté mardi, accusé de crimes contre l'humanité pour la croisade contre les trafiquants et consommateurs de drogue qui a marqué ses années de présidence (2016-2022), avec à la clé le soupçon de milliers d'exécutions sommaires.
Dans le passé, les Philippines ont eu d'autres présidents arrêtés, Joseph Estrada en 2001 et Gloria Arroyo en 2011 mais M. Duterte est le premier à risquer d'être traduit devant la cour pénale internationale (CPI), son successeur ayant accepté son arrestation en pleine rivalité avec la fille de l'ancien président, Sara Duterte.
Pourquoi a-t-il été arrêté ?
Le procureur général des Philippines a mis en application un mandat d'arrêt Interpol dont Manille a reçu copie mardi, selon le palais présidentiel. Cueilli à son arrivée à l'aéroport de Manille, de retour d'un déplacement à Hong Kong, M. Duterte a été placé en détention provisoire.
Le mandat d'arrêt mentionne comme chef d'accusation "meurtre comme crime contre l'humanité" en lien avec la campagne anti-drogue menée par l'ancien président et visée par une enquête de la justice depuis le 15 septembre 2021 en raison de milliers d'exécutions, principalement d'hommes pauvres.
La Cour pénale internationale a relancé les investigations en 2023 après une pause dans la procédure causée par un recours en appel des autorités philippines.
Si les estimations varient, les procureurs de La Haye évaluent que "le total des civils tués en lien avec cette soi-disant campagne de +guerre à la drogue+" concerne 12.000 à 30.000 personnes.
Pourquoi le gouvernement a-t-il permis son arrestation ?
Le gouvernement Duterte a longtemps refusé de coopérer avec la Cour pénale internationale, lui reprochant notamment une atteinte à la souveraineté du pays.
M. Duterte avait ordonné que les Philippines se retirent du traité de la CPI, après que le tribunal a commencé à s'intéresser aux exécutions extrajudiciaires systématiques durant son mandat. La cour a cependant estimé que les crimes allégués commis avant le retrait de Manille en 2019 reste de sa compétence.
L'actuel président Ferdinand Marcos a refusé de réadhérer à la CPI après son élection en 2022 sur un ticket l'associant à la vice-présidente Sara Duterte, la fille de l'ancien président.
Il a aussi continué à écarter toute coopération avec l'enquête de la CPI. Jusqu'à ce que les relations avec sa vice-présidente et entre les deux puissantes familles ne se dégradent : l'attitude de M. Marcos a alors subtilement changé et il a indiqué que Manille ferait ce qu'on lui demande, si la CPI passait par Interpol pour arrêter M. Duterte.
Que va-t-il se passer maintenant ?
Quand le dossier de la "guerre à la drogue" a été porté devant la cour pénale internationale, M. Duterte avait insisté pour dénier toute compétence au tribunal de La Haye, et prévenu qu'il n'accepterait d'être jugé que devant un tribunal philippin.
Dimanche lors d'un meeting à Hong Kong devant des centaines de supporters enthousiastes, il a défendu son action contre la drogue destinée, a-t-il dit, "à apporter un semblant de paix et de tranquillité" aux Philippines et assuré avoir agi pour le bien du pays.
Il a aussi annoncé que s'il devait être arrêté, il "l'accepterait". Immédiatement après son arrestation mardi, il a toutefois contesté la légalité de sa détention dans un post sur les réseaux sociaux.
"Que dit la loi et quel est le crime que j'ai commis ? Prouvez-moi maintenant les bases légales justifiant ma présence ici", a-t-il lancé.