Dans ces propos, rapportés par ses avocats, Saïf Al-Islam Kadhafi affirme qu’il « aurait voulu être jugé en Libye, par des juges libyens, sous la loi libyenne et face au peuple libyen. Mais ce qui se passe dans mon affaire ne peut pas être appelé un procès. » Selon lui, « la seule voie pour la Libye et le peuple libyen d’obtenir justice est que la CPI juge cette affaire de façon équitable, impartiale et indépendante ». Rappelant que la Libye applique la peine de mort, il ajoute qu’il n’a « pas peur de mourir », mais estime qu’une exécution suite à un procès tenu en violation de ses droits s’appellerait « un meurtre ».
Cette déclaration a été rapportée par la défense dans une réponse à la requête de la Libye, qui souhaite juger Saïf Al-Islam Kadhafi devant ses propres tribunaux. Suspecté de crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale, Saïf Al-Islam Kadhafi est détenu à Zintan, au sud de Tripoli, depuis le 20 novembre 2011. Dans le cadre de la procédure en cours, au terme de laquelle les juges devront décider du lieu où doit être jugé le suspect, son avocate, Melinda Taylor, l’avait rencontré à Zintan, le 7 juin. Mais elle avait été arrêtée après 45 minutes d’entretien et détenue pendant 26 jours pour « espionnage » et « atteinte à la sécurité de l’Etat », en compagnie de trois autres fonctionnaires de la Cour.
Dans ce document remis aux juges le 31 juillet, les avocats estiment que la Libye ne peut juger Saïf Al-Islam Kadhafi devant ses propres tribunaux, dénonçant une longue liste de violations des droits du suspect, dont le fait qu’il soit détenu depuis plus de huit mois en un lieu tenu secret à Zintan, et qu’il n’a pas été présenté à un juge.
Pour maître Xavier-Jean Keita, chargé de défendre le suspect avec Melinda Taylor, l’arrestation des quatre fonctionnaires de la Cour « souligne le fait qu’il sera absolument impossible pour Mr Kadhafi d’être jugé de façon indépendante et impartiale devant des cours libyennes ».
Il ajoute que « si la CPI cède à de telles pressions, la Cour créera un précédent néfaste pour la justice internationale et pour la sûreté et la sécurité du personnel de la CPI, qui seront désormais considérés comme des outils de négociation potentiel par tous les Etats auquel il est demandé de coopérer avec la CPI contre leur volonté ».
Maître Keita estime notamment que le procureur libyen en charge de l’affaire a bafoué la procédure en demandant que « tous les documents de la défense soient saisis et examinés » par « des personnes armées jusqu’aux dents avec des AK47 »
La défense évoque aussi une série de lois adoptées récemment par la Libye, pénalisant toute personne soutenant l’ancien régime, ou s’opposant au régime actuel. Selon la défense, toute aide à Saïf Al-Islam Kadhafi est désormais punie de 25 ans d’emprisonnement. Dès lors, estime la défense, il est quasiment impossible pour un témoin de déposer en faveur de Saïf Al-Islam Kadhafi, voir pour un avocat libyen de le défendre. Autant de raison, pour les avocats, de ne pas permettre la tenue d’un tel procès devant la justice libyenne.
Pour finir, la défense estime que « la mort possible de Mr Saïf Al-Islam Kadhafi en prison serait une parodie pour la justice internationale et pour le droit des victimes présumés de Libye à connaître la vérité. C’est un risque que la CPI ne peut pas se permettre de prendre », ajoute-t-elle.
La Libye a obtenu les juges l’autorisation de répondre d’ici le 13 août aux remarques de la défense, et à celles du procureur, déposées début juin.
SM/GF