Le procureur accuse Mathieu Ngudjolo de crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis lors de l’attaque de Bogoro, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), le 24 février 2003 et au cours de laquelle près de 200 civils auraient été tués. Selon l’accusation, Mathieu Ngudjolo commandait le Front des nationalistes et intégrationnistes (FNI), l’une des milices alors actives en Ituri. Mais pour la défense, l’accusé n’avait aucun rôle politique. Il était infirmier à Kambutso et procédait, le jour de l’attaque, à un accouchement.
« L’attaque de Bogoro a été planifiée par le président de la République démocratique du Congo lui-même », a affirmé maître Jean-Pierre Kilenda, « soucieux, certainement, de garantir l’intégrité du territoire national congolais et partant, l’unité nationale, menacée par les velléités sécessionnistes et indépendantistes de l’UPC », l’Union des patriotes congolais, milice soutenue successivement par l’Ouganda et le Rwanda, qui convoitaient les richesses de l’est congolais. Pour l’avocat congolais, l’action du président Kabila « était conforme à la constitution de son pays ».
Les avocats, maîtres Kilenda et Jean-Pierre Fofé, en veulent pour preuve la création de l’EMOI, l’Etat-major opérationnel intégré, réunissant armée congolaise et milices, sous l’autorité du chef suprême, Joseph Kabila et qui avait planifié l’opération. La défense s’est largement appuyée, pour le démontrer, sur un document signé de Guillaume Samba Kaputo, alors conseiller spécial du chef de l’Etat congolais sur les questions de sécurité. Pour la défense, il s’agit d’une « attaque légitime de maintien de l’intégrité du territoire », mais dans laquelle Mathieu Ngudjolo « n’est impliqué ni de près, ni de loin ».
Les avocats de M. Ngudjolo ont souligné que Germain Katanga, co-accusé, a reconnu sa participation, « notable, mais non essentielle », dans « ce plan légitime conçu à Béni, pour déloger l’UPC de Bogoro ».
La défense a aussi contesté la version du procureur, selon lequel l’attaque serait le résultat d’une haine entre Lendu et Ngiti d’un côté et Hema de l’autre. Pour maître Jean-Pierre Fofé, « le conflit qui s’est déroulé à Bogoro n’était pas inter-ethnique. La cible, c’était les camps militaires de l’UPC ». L’avocat a dressé la liste de responsables, au premier chef desquels le président ougandais Yoweri Museveni. « Pourquoi le procureur n’a-t-il pas entendu ces personnes ? Pourquoi s’acharner sur ce bouc émissaire qu’est Mathieu Ngudjolo ? »
Les audiences se poursuivront mercredi, avec, notamment, les déclarations finales des deux accusés.
SM/ER/GF
© Agence Hirondelle