Laurent Gbgbo est suspecté de crimes contre l’humanité commis entre décembre 2010 et avril 2011.
Pour ses avocats, « la violation des droits (…) y compris les tortures et autres traitements inhumains et dégradants » dont a été victime l’ancien président ivoirien suite à son arrestation « sont de nature à rendre la tenue d’un procès équitable impossible ».
Son arrestation, le 11 avril 2011, par les forces d’Alassane Ouattara, « qui ne bénéficiaient pas (…) de l’autorité de la force publique », soutenues par la mission de l’Onu en Côte d’Ivoire (ONUCI) et des troupes françaises, pourrait « s’apparenter à un enlèvement au sens du droit ivoirien » écrit l’avocat. Il ajoute que la détention de Laurent Gbagbo à l’hôtel du Golf après son arrestation, puis son transfert dans le nord du pays, à Korhogo, « dans une maison appartenant à l’un des proches de Guillaume Soro » (ancien chef des Forces nouvelles, une milice loyale à Alassane Ouattara et actuel président de l’Assemblée nationale), « sont illégaux ».
Un expert, mandaté par la défense, a en outre établi, dans un rapport daté de mars 2012, que les mauvais traitements infligés au président ivoirien lors de ses huit mois de détention à Korhogo, sous la garde du commandant Fofié, « un chef de guerre contre lequel pèsent un certain nombre de soupçons concernant son comportement avant, pendant et après la crise électorale », relèvent de la torture.
La Côte d’Ivoire n’a jamais ratifié le traité de la Cour mais l’a invité, à plusieurs reprises, à enquêter en Côte d’Ivoire, comme le prévoit la procédure. C’est Laurent Gbagbo lui-même qui en avril 2003 avait le premier adressé une demande à la Cour pour les crimes commis depuis le 19 novembre 2002, date d’une tentative de coup d’Etat - attribuée aux hommes d’Alassane Ouattara – à la suite de laquelle le pays avait été scindé en deux. Cette demande ne portait que sur un crime particulier, daté, affirme cependant maître Altit. Dès lors, poursuit-il, la Cour n’est pas compétente pour des actes commis sept à huit ans plus tard.
En décembre 2010 et le 3 mai 2011, Alassane Ouattara avait à son tour sollicité la Cour. Mais Alassane Ouattara n’était pas un représentant de l’Etat ivoirien, et donc « pas habilité à engager ce dernier », estime l’avocat, qui précise que le Conseil constitutionnel avait validé la réélection de Laurent Gbagbo. Réélu, Laurent Gbagbo tirait sa légitimité de la constitution, « d’autant plus importante sur un continent africain qui a connu près de deux cents coups d’Etat depuis la seconde guerre mondiale et qui tente d’établir une culture de droit », assène la défense.
Les avocats invitent les juges à « ne pas ignorer les règles du droit constitutionnel ivoirien applicables à la désignation et à l’entrée en fonction du chef de l’Etat » et ajoutent que « la communauté internationale », qui avait reconnu la victoire d’Alassane Ouattara dès décembre 2010, « ne saurait s’arroger le droit d’intervenir dans les affaires internes d’un Etat en désignant comme chef d’Etat la personne qui lui sied le mieux ».
Laurent Gbagbo a été transféré à la prison de la Cour pénale internationale, aux Pays-Bas, le 30 novembre 2011. Le 18 juin, la Cour doit tenir des audiences destinées à confirmer, ou non, les accusations portées contre lui et le cas échéant, le renvoyer en procès.
SM/GF