La Corée du Sud a été reconnue mercredi coupable de fraudes et d'abus dans le processus d'adoption d'enfants par des parents étrangers, alors que le pays fut un temps l'un des premiers viviers de l'adoption internationale.
"Il a été établi que l'Etat a négligé son devoir (...) ce qui a conduit à la violation des droits humains de (personnes) adoptées", a conclu la Commission vérité et réconciliation de Corée du Sud dans un rapport publié mercredi, suggérant au gouvernement de présenter des excuses officielles.
La quatrième économie d'Asie a été l'un des premiers viviers de l'adoption internationale, avec au moins 140.000 enfants sud-coréens adoptés par des parents étrangers entre 1955 et 1999.
Publié au terme de deux ans et sept mois d'enquête, le rapport fait état de violations des droits humains des personnes adoptées et dénonce notamment des "enregistrements frauduleux d'orphelins, des falsifications d'identité et un contrôle inadapté des parents adoptifs".
Il établit que dans de nombreux cas, "les procédures légales" destinées à vérifier que les parents biologiques avaient bien donné leur consentement à une adoption n'ont pas été "respectées".
Alors que les parents adoptifs doivent être soumis à un examen d'éligibilité, le rapport souligne que pour la seule année 1984, 99% des demandes d'adoption internationale ont été accordées le jour même ou le lendemain.
Il est également reproché au gouvernement sud-coréen de ne pas avoir encadré les frais d'adoption pour empêcher que l'adoption internationale ne devienne une industrie motivée par le profit.
"Ces violations n'auraient jamais dû se produire", a déclaré à la presse la présidente de la commission, Park Sun-young.
"C'est une partie honteuse de notre histoire", a-t-elle regretté.
- "Incertitude éternelle" -
Depuis des années, des Sud-Coréens ayant été adoptés par des parents étrangers défendent leur droit de savoir. Mais la quête d'information pour les enfants adoptés est notoirement difficile en Corée du Sud.
Nombre d'entre eux affirment que leur mère biologique avait été forcée de les abandonner enfant et que leurs dossiers avaient été trafiqués pour les rendre légalement adoptables.
Sur un total de 367 plaintes reçues, la commission a constaté 56 cas de violations de droits humains, soulignant qu'il y avait énormément d'informations à vérifier. Elle a toutefois promis de faire "des efforts" pour examiner les cas restants avant la fin de son enquête le 26 mai.
Certains plaignants se sont dits insatisfaits de ce résultat.
"Sans la vérité, nos vies reposent sur des suppositions, des estimations et des récits fictifs", a déclaré Boonyoung Han, une Danoise d'origine coréenne, dans un communiqué.
"Nous sommes victimes de la violence de l'Etat, qui n'a laissé aucune trace! Littéralement. La destruction et la rétention de nos documents ne doivent pas nous laisser dans une incertitude éternelle", a-t-il dénoncé.
Pour Hanna Johansson, une Suédoise d'origine coréenne, le rapport de la commission est une "victoire" pour sa communauté.
"J'espère aussi que de plus en plus de parents (biologiques) sud-coréens qui ont perdu leur enfant sans leur consentement se manifesteront et demanderont justice", a-t-elle déclaré à l'AFP.
Après la Guerre de Corée (1950-1953), l'adoption fut dans le pays un moyen de se débarrasser des enfants nés de la relation entre des militaires américains et des Sud-Coréennes, alors que l'Etat ne jurait que par l'homogénéité ethnique.
L'adoption internationale a ensuite connu un boom dans les années 1970-1980, rapportant des millions de dollars aux agences d'adoption du pays.
Aujourd'hui, la société sud-coréenne est profondément conservatrice et patriarcale et nombre de jeunes mères non mariées se trouvent contraintes d'abandonner leur bébé à la naissance.